Yaplukà

Le crime est presque parfait. On y est presque ! Allons humains, humaines, françaises ou non, encore un petit effort, on va y arriver à asphyxier la planète, à la faire sauter et toutes les humaines et tous les humains avec. On va y arriver à faire péter les usines nucléaires, à faire crever tous les poissons, on n’est pas loin ! Encore un petit effort, manque plus grand chose, une petite rixe entre petits hommes d’état, une mouche qui pique, un petit accident technique conjugué à une faute d’inattention ou à un mouvement d’humeur non retenu, comme cet automobiliste qui bêtement et méchamment, se rabat sur sa droite pour ne pas laisser passer un motard, et hop un motard en moins, comme ces accidents de la route où il aura fallu trois facteurs pour que ça réussisse, la pluie, un qu’a pas vu ceci ou cela et l’autre qui prenait tune bouteille d’eau sur la banquette arrière, l’accident bête quoi, ils étaient deux là et trois là, les cinq dégagés. Mais oui on peut y arriver.

Je vous le dis, il n’est pas suffisant que nous mettions trop d’enfants au monde, la plupart mal aimés, mal instruits, mal dirigés, affamés aussi, faute de temps, d’attention, d’amour, de moyens; pas suffisant de serrer la ceinture de ses employés pour s’acheter un yacht ; pas suffisant de laisser son collègue se faire pourrir la vie jusqu’à en mourir, pour avoir la paix et par peur de perdre son travail ; pas suffisant d’acheter un petit studio pour son fils plus tard et de le louer à un prix exorbitant au fils du voisin ; pas suffisant tout cela, un peu trop passif, mou, gentillet quoi ! Allons-y, finissons en, soyons pleinement conscients de nos méfaits, pour le meilleur, et ajoutons y du plaisir s’il le faut, mais en tout cas, soyons cruels, là tout de suite, qu’on n’entende plus les sempiternelles jérémiades, les ânonnements journalistiques, les répétitions des polémiques binaires, pour ou contre, l’immigration par exemple, ça marche toujours. Mais disons-le, oui, nous sommes racistes, nous détestons les noirs et les arabes et les « jaunes » un peu moins mais tout de même s’il y en a beaucoup oui, comme les autres, et si on avait su, on ne les aurait pas colonisés, et puis on ne leur aurait pas demandé de venir travailler chez nous. Mais alors ces richesses que nous leur avons prises, celles qu’ils ont produites? On les garde et on les renvoie ?

Oui, oui, comme ça : on dit ok les cocos c’était bien, mais c’est fini. Ok, on vous a volés chez vous. Ok, on vous a volés chez nous et maintenant out. Ça, c’est pour les non clandestins ; pour les clandestins out aussi, mais plus vite encore, et à coups de pompes dans le cul, oui, c’est ça, on est ok. Allons-y, et franco, et ne cessons pas d’appauvrir l’Afrique, de leur piquer leur pétrole à bas prix, leur lithium, leurs matières premières, à nouer des alliances délétères avec des chefs d’état pourris qui appauvrissent leur peuple et se payent des villas de luxe et se font des fortunes planquées dans les paradis fiscaux, obligeant les jeunes hommes de leur peuple à prendre la mer. Rien à manger chez eux, rien à manger chez nous, qu’ils crèvent, encore un petit effort, ratissons large, faisons couler les bateaux, c’est ce que font les Libyens auxquels on a confié de torturer racketter et violer, les migrantes surtout, le viol, super, mais que toute velléité d’immigrer soit tuée dans l’œuf, des mitraillettes tout au long des plages, comme les Allemands en 40 avec leurs bunkers, pas difficile ça, faisons le. Quoi d’autre, ô il y a tant à faire pour accélérer la fin. Tout est déjà là, tout est en place. Yaplukà.*

Aëlle Dejanire

Écrivaine

* Signification de Yaplukà : « il n’y a plus qu’à… »

Image en vedette : capture d’écran partielle d’une photo à un campement de Grande-Synthe (2016).



Articles Par : Aëlle Dejanire

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