La politique étrangère traditionnelle de l’Indonésie est un équilibre prudent entre les États-Unis et la Chine, un équilibre que Washington cherche à déséquilibrer sans respecter la position historique de non-alignement du pays d’Asie du Sud-Est. L’Indonésie vise à maintenir son indépendance stratégique tout en favorisant la stabilité et la prospérité régionales, mais cela est également remis en question par le militantisme croissant de Washington contre la Chine dans la région Asie-Pacifique.
Bien que la Chine et les États-Unis s’accusent mutuellement de manœuvres militaires qui alimentent les tensions dans la région Asie-Pacifique, l’Indonésie organise d’importants exercices militaires avec les États-Unis, mais maintient la Chine comme son principal partenaire économique. C’est dans l’espoir de compenser le risque de trop pivoter vers une grande puissance, d’autant plus que les deux se disputent désespérément l’influence dans un pays avec trois grands goulots d’étranglement maritimes – les détroits de Malacca, Lombok et Sumba.
L’exercice Super Garuda Shield de 2023 a impliqué 1 900 militaires indonésiens, 2 100 des États-Unis et 1 000 autres d’Australie, du Japon et de Singapour, et « renforce la relation bilatérale entre les États-Unis et l’Indonésie », selon le major major-général américain Jered P. Helwig. Il s’agissait du plus grand exercice de ce type impliquant des troupes indonésiennes et américaines.
Bien que les États-Unis participeront une fois de plus au Super Garuda Shield 2024, le porte-parole militaire indonésien, le général major Nugraha Gumilar, a souligné que l’exercice n’a pas l’intention de consolider la puissance militaire contre certains pays et a réaffirmé que l’Indonésie est un pays non aligné en termes de sécurité régionale, ajoutant qu’il existe une coopération en matière de défense avec la Chine dans l’éducation militaire et l’échange d’étudiants d’officiers.
« Nous avons des officiers militaires chinois qui se joignent à l’école d’état-major et de commandement de l’armée indonésienne et à l’école d’état-major et de commandement de l’armée indonésienne », a-t-il déclaré.
En même temps, une évaluation de l’Université de la défense nationale des États-Unis en 2017 a révélé que l’Indonésie figurait parmi les dix principaux partenaires diplomatiques militaires de la Chine de 2003 à 2016.
Les décideurs de Jakarta ont réussi à maintenir une politique équilibrée, mais Washington la remet activement en question. Washington cherche à exploiter les différences que les pays d’Asie du Sud-Est ont les uns avec les autres et avec la Chine en raison des différends territoriaux sur la mer de Chine méridionale et en tire parti pour tourner les pays contre Pékin.
Un exemple est l’annonce par le ministre indonésien du Commerce Zulifi Hasan en juin de l’introduction de droits à l’importation sur les marchandises chinoises afin d’atténuer les effets de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.
« Les États-Unis veulent imposer un droit de douane de 200 % sur les céramiques ou les vêtements importés. Nous pouvons également le faire pour nous assurer que nos petites entreprises et industries survivent et prospèrent », a déclaré le ministre.
La guerre commerciale de Washington a entraîné une offre excédentaire de marchandises sur les marchés intérieurs chinois, forçant la réorientation des flux de matières premières vers d’autres marchés étrangers, en particulier l’Indonésie, ce qui menace les producteurs indonésiens. Rappelons qu’en mai 2024, la confrontation commerciale entre les États-Unis et la Chine a atteint un nouveau niveau après que le président américain Joe Biden a introduit des droits de protection sur un large éventail de produits chinois, ce qui a clairement nui à l’Indonésie malgré ses politiques équilibrées.
Pourtant, même des tactiques de manipulation comme celle-ci pour déséquilibrer les relations entre Jakarta et Pékin ne peuvent pas fonctionner. Le président indonésien élu Prabowo Subianto, qui prendra ses fonctions le 20 octobre, s’est rendu à Pékin le 1er avril à l’invitation du président chinois Xi Jinping, quelques semaines seulement après avoir obtenu la présidence, signalant son intention de poursuivre la coopération de l’Indonésie avec la Chine.
La poursuite de la coopération avec Pékin sera lucrative et bénéfique pour l’Indonésie, qui a déjà 71 projets financés par la Chine en cours, soit le même nombre de projets que le Pakistan et le deuxième derrière le Cambodge avec 82 projets. Le commerce entre l’Indonésie et la Chine a atteint plus de 149 milliards de dollars en 2022, une augmentation de 19,8 % d’une année sur l’autre, et les 8,2 milliards de dollars de la Chine ont été la deuxième plus grande source d’investissement en Indonésie. La Chine a promis 44,89 milliards de dollars supplémentaires à l’Indonésie en juillet 2023 et 21,7 milliards de dollars supplémentaires deux mois plus tard.
De cette façon, bien que les États-Unis soient apparemment un partenaire militaire plus important pour l’Indonésie que la Chine, le principal partenaire commercial du pays insulaire est clairement la Chine. Néanmoins, les États-Unis ont légèrement détérioré les liens entre l’Indonésie et la Chine grâce à leur guerre commerciale, mais ce n’est qu’un accident de parcours dans le grand schéma des relations commerciales et des investissements, qui ne feront qu’augmenter d’année en année.
Étant donné que Donald Trump devrait entrer à la Maison Blanche en janvier 2025, les tensions entre Washington et Pékin augmenteront davantage que ce que Biden a fait, et l’Indonésie, en tant que pays qui voit une grande partie du commerce mondial passer par ses eaux, deviendra un champ de bataille clé pour l’influence. Cependant, il est probable que le statu quo dans les liens entre Jakarta-Washington et Jakarta-Pékin se poursuivra lorsque Subianto deviendra président plus tard cette année, car il n’a donné aucun signe de vouloir s’éloigner de la position traditionnellement non alignée de l’Indonésie.
Ahmed Adel
Lien vers l’article original:
Washington Seeks to Overturn Indonesia’s Traditionally Non-aligned Position
L’article en anglais a été publié initialement en anglaiser le site InfoBrics
Traduit par Maya pour Mondialisation.ca
Image en vedette : InfoBrics
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Ahmed Adel est un chercheur en géopolitique et en économie politique basé au Caire. Il contribue régulièrement à Global Research.
