Une coalition au sol en Syrie! Vraiment?

Réplique à un quatuor de va-t’en-guerre

Dans l’édition du 15 mars du Devoir, quatre retraités des secteurs municipal et de l’éducation se prononcent pour l’envoi de troupes au sol contre l’État islamique (EI), même s’ils reconnaissent que « ces ‘‘bottes au sol’’ en Irak, en Afghanistan, de même qu’au Vietnam n’ont pas donné les résultats espérés »!!! Dans quel bourbier veulent-ils aujourd’hui nous entraîner?

Des troupes au sol, mais avec qui?

Avec qui ces troupes s’allieront-elles sur le terrain pour combattre l’EI? Avec les Kurdes? Les soldats canadiens sont déjà à leurs côtés à titre d’« instructeurs ». Et on espère que ces derniers ne seront pas victimes des tirs de notre « alliée » la Turquie!

Les Kurdes ne peuvent à eux seuls défaire l’EI. Alors, avec qui d’autre? L’armée irakienne? Elle a abandonné armes et bagages devant l’offensive de l’EI.

L’Irak a dû faire appel en renfort au Hezbollah et aux milices chiites iraniennes. Ottawa va-t-il s’allier au Hezbollah qu’il a placé sur sa liste d’organisations terroristes? Ou encore aux pasdarans iraniens? On peut en douter.

Pour les mêmes raisons, il est vraisemblablement exclu que le gouvernement Harper s’allie à la seule véritable force qui combat l’EI : le gouvernement syrien de Bachar al-Assad.

Regardons donc du côté de l’opposition à Bachar, de l’opposition dite « modérée ». Jusqu’ici, celle-ci est quasi-inexistante. Mais qu’à cela ne tienne, le Pentagone veut former, apprend-on, 5 400 opposants « modérés ».

Mais les premiers résultats ne sont pas très probants. Un contingent d’une soixantaine de rebelles syriens formés au combat par des officiers américains a été anéanti une semaine après son retour au pays de Bachar par al-Nosra, une filiale d’al-Qaida, financée par l’Arabie saoudite et les autres monarchies pétrolières.

Si le Canada s’implique, il devra éventuellement décider s’il s’allie à Bachar ou s’il le combat. Dans cette dernière hypothèse, il risque de devoir affronter aussi l’Iran et la Russie. Moscou vient d’envoyer armes et troupes en Syrie, question de faire savoir que la Russie n’abandonnera pas la Syrie, et que celle-ci n’est ni l’Irak ni la Libye.

Autrement dit, le risque est grand que ce conflit régional dégénère en conflit d’une plus grande envergure tant les intérêts économiques – au premier chef, le pétrole – et les intérêts géostratégiques sont importants pour les grandes puissances.

Jusqu’où irait Harper?

Stephen Harper serait sans doute partant pour un affrontement avec la Russie, comme on l’a vu en Ukraine où le Canada est impliqué depuis plusieurs années dans un soutien actif aux forces anti-russes.

Harper souhaite exacerber les contradictions entre l’Europe et la Russie pour mettre fin à la dépendance de l’Europe à l’égard du pétrole et du gaz russes et ouvrir ainsi le marché européen au pétrole canadien. L’oléoduc de TransCanada qui acheminerait le pétrole des sables bitumineux vers l’Atlantique et donc vers l’Europe est un élément clef de cette stratégie.

Des mesures pour la paix à notre portée

Si nos retraités veulent réellement œuvrer pour la paix dans cette région du monde, ils devraient inviter le gouvernement canadien à faire pression sur notre « alliée » la Turquie, qui laisse transiter sur son territoire les combattants islamistes internationaux et les livraisons d’armes à l’État islamique. La Turquie pourrait aussi interrompre les convois de camions citernes qui transportent le pétrole extrait par l’EI et dont la vente sert à financer ses activités.

Ottawa pourrait aussi rappeler à la Turquie que l’ennemi à combattre est l’État islamique et non pas les Kurdes, contre lesquels Ankara dirige ses opérations militaires.

Contrairement à ce qu’écrivent les quatre retraités, la comparaison avec l’Allemagne nazie ne tient pas la route. L’EI, malgré son idéologie fascisante, n’a ni le potentiel économique ni l’arsenal militaire d’Hitler.

Pour mettre fin à la guerre et aider au règlement du problème humanitaire, ils devraient mettre au défi le gouvernement Harper d’intervenir auprès de l’Arabie saoudite, du Qatar, du Koweit et des Émirats arabes unis qui refusent d’ouvrir leurs frontières aux réfugiés syriens et qui, bien qu’ils fassent partie de la coalition, continuent, selon différentes sources, à financer des groupes djihadistes dans cette région du monde.

Pierre Dubuc

Directeur de L’aut’journal

Photo : ARC



Articles Par : Pierre Dubuc

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