Une attaque nucléaire préventive est-elle possible dans la guerre froide 2.0?

L’ancien conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche sous la présidence de Jimmy Carter  et auteur du livre  Le grand échiquier: l’Amérique et le reste du monde (1997), considéré comme la Bible géostratégique de la Maison Blanche ainsi que le livre de chevet des générations successives de géostratèges et de politologues, aurait enregistré le début du déclin de l’Empire américain, déclarant qu’«il est vrai que notre position dominante en politique internationale n’est plus la même qu’il y a 20 ans, car depuis 1991 les  Etats-Unis, dans leur statut de puissance mondiale,  n’ont pas gagné une seule guerre». 

Par conséquent, il ajoute qu’à son avis «le moment est venu pour les Etats-Unis de comprendre que le monde contemporain est beaucoup plus compliqué et plus anarchique que ces dernières années après la guerre froide, avec lesquelles l’accentuation de nos valeurs ainsi que la conviction dans notre exceptionnalisme et notre universalisme, sont pour le moins prématurés du point de vue historique.

Poursuivant l’exposition de sa thèse sur le déclin des Etats-Unis, dans un discours prononcé lors d’une réunion du Council on Foreign Relations (CFR), l’ancien conseiller de Carter prévenait que «la domination américaine  n’était plus possible en raison d’une accélération de changement social impulsé par la communication instantanée qui a provoqué l’éveil universel de la conscience politique des masses (Global Political Awakening) et qui s’avère préjudiciable à la domination extérieure telle que celle qui prévalait à l’époque du colonialisme et de l’impérialisme. De même, dans un article publié dans la revue Foreign Affair (1970), il expose sa vision du  «Nouvel Ordre Mondial» en déclarant  qu’ «une vision nouvelle et plus audacieuse est nécessaire avec la création d’une communauté de pays développés qui peuvent essayer de résoudre efficacement les grands problèmes de l’humanité», esquisses d’une théorie qu’il exposera dans son livre  La révolution technétronique (1971), où il explique que  «l’ère du rééquilibrage des pouvoirs est arrivée  avec une puissance qui doit passer entre les mains d’un nouvel ordre politique mondial fondé sur un lien économique trilatéral entre le Japon, l’Europe et les Etats-Unis». C’est  une doctrine qui impliquerait la soumission de la Russie et de la Chine et qui inclurait la possibilité d’une attaque nucléaire préventive par les Etats-Unis utilisant des missiles Trident II contre des cibles russes et chinoises vitales en cas de Troisième  Guerre mondiale  déclarée.

Une attaque nucléaire préventive est-elle possible dans la guerre froide 2.0? Le conflit ukrainien aurait mis en scène le retour de la guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis (guerre froide 2.0), la réactivation de la course nucléaire et une éventuelle réédition de la crise des missiles qui aurait Kaliningrad comme épicentre. Ainsi, l’Otan aurait choisi d’augmenter les ressources allouées au développement militaire en plus d’informer de ses plans de collaboration dans ce domaine avec des pays tels que l’Ukraine, les  Etats baltes, la Géorgie, la Moldavie et la Pologne après la crise ukrainienne. L’Otan aurait augmenté  sa  présence militaire  en stationnant quatre bataillons dans les Etats baltes et en Pologne ainsi que 20 avions F-16 avec lesquels le contingent total de ses troupes en Europe dépasserait les 75 000 membres. Cela signifiait , en pratique ,la violation de l’Acte fondateur Otan-Russie de 1997 par lequel  l’Otan excluait  «le stationnement permanent d’un contingent substantiel et supplémentaire de troupes de combat en Europe de l’Est» et le retour à la doctrine de l’endiguement, dont les bases étaient exposées par  George F. Kennan dans son essai Les sources du comportement soviétique publié dans la revue Foreign Affairs en 1947 et dont les idées principales sont résumées dans la citation: «Le pouvoir soviétique est imperméable à la logique de la raison mais très sensible à la logique de la force».

Dans ce contexte, l’éventuelle intégration de la Suède et de la Finlande dans les structures militaires de l’Otan et l’augmentation des forces militaires avec quatre  nouveaux bataillons déployés à la frontière européenne avec la Russie.  Dans l’hypothèse où la Suède et la Finlande entreraient dans l’Otan, cela  fermerait l’accès de l’enclave soviétique susmentionnée à la mer Baltique. La Russie installerait à Kaliningrad les missiles Iskander-M équipés d’ogives polyvalentes ainsi que des missiles anti-aériens S-400 avec lesquels, selon les mots du politologue Vladimir Abramov, «la province de Kaliningrad  va jouer, à nouveau, le rôle d’une arme à feu dans le temple de l’Europe telle qu’elle était il y a deux décennies».  La réédition de la crise des missiles n’est pas à exclure.

D’autre part, nous  avons assisté  à des déclarations surprenantes de l’ancien ministre britannique des Affaires étrangères, Philip Hammond, rapportées par The Telegraph  où  il  a déclaré que «Londres pourrait accueillir des missiles nucléaires américains sur le sol britannique au milieu des tensions avec la Russie». Cela pouvait  être compris comme un retour à une course aux armements comme celle entretenue pendant la guerre froide avec l’URSS (relance du projet de partenariat entre les Etats-Unis et l’Europe pour doter le Royaume-Uni de missiles Polaris de juillet 1962). Ainsi, selon The Guardian, Johnson aurait l’intention d’étendre son arsenal nucléaire des 180 ogives actuelles à 260, ce qui impliquerait la rupture du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP).

D’autre part, l’accord stratégique entre l’Australie, le Royaume-Uni et les  Etats-Unis connu sous le nom d’AUKUS symboliserait un changement dans la cartographie géopolitique mondiale en déplaçant le scénario atlantique pour l’Indo-Pacifique pour en faire  l’épicentre de l’impulsion géopolitique entre les  Etats-Unis  et la Chine dans le but d’établir un arc de crise nucléaire autour de la Chine qui couvrirait du Cachemire indien au Japon, en passant par la Corée du Sud et les Philippines, pour  former l’arc avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie dans le but de dissuader la Chine dans son plan  de domination en  mer de Chine, pour  parvenir à sa subjugation ultérieure . Ainsi, les  Etats-Unis auraient prévu un programme nucléaire d’une durée de trente ans et d’un coût de 1 milliard de dollars qui comprendrait un nouveau missile hypersonique ainsi qu’un système conçu pour détecter les missiles de croisière en territoire américain (JLENS), une attaque nucléaire  étant  non exclu par l’utilisation préventive par les  Etats-Unis de missiles Trident II contre des cibles chinoises vitales en cas de tentative d’occupation de Taïwan.

Germán Gorraiz López, analyste politique



Articles Par : Germán Gorraiz López

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