« Sportive à l’adolescence, je suis devenue anorexique »

Les troubles du comportement alimentaire sont un fléau, qui touche une adolescente sur quatre. Clara partage son expérience : ses TCA ont émergé à l’âge de 15 ans alors qu’elle pratiquait du sport à haut niveau.

Vous pouvez retrouver son parcours dans un livre intitulé « Regarder devant », qui sort aux Éditions Michalon.

 

.

Entrevue La Maison des maternelles

Présentée par Agathe Lecaron, La Maison des Maternelles est le rendez-vous quotidien consacré à la parentalité et petite enfance. Dans ce magazine, l’animatrice et les spécialistes qui l’entourent ont pour ambition de répondre aux interrogations des jeunes parents, proposant ainsi une émission de service. En toute liberté, de façon positive et décomplexée !

*

Résumé du livre « Regardez devant »

Clara est une élève brillante et une athlète aux multiples talents qui enchaîne les compétitions de natation et d’équitation au lycée, puis d’athlétisme en université. Elle place rapidement la barre très haut : il lui faut tout réussir parfaitement, au risque, se persuade-t-elle, de décevoir tout son entourage. Enfermée dans un perfectionnisme que le monde du sport encourage, elle cherche à contrôler chaque aspect de sa vie pour la dédier toute entière à ses objectifs. Pas de vacances, pas de sorties entre amis, des crises d’angoisses et bientôt l’anorexie. Ses parents la soutiennent dans des années lycée difficiles, tentant de comprendre comment rééquilibrer la balance.

Après le bac, Clara rentre à l’INSA de Lyon, en filière sport études. Une nouvelle ville, de nouvelles amies, un nouvel entraîneur, mais toujours la même pression en elle. Les crises de boulimies, revers de la médaille de l’anorexie, commencent. Malgré un entourage toujours présent, la fatigue physique et morale se transforme en dépression. Sous toute cette charge, son corps lâche de plus en plus : elle se casse en même temps les ligaments croisés des deux genoux, puis se fracture plusieurs fois le bassin et enchaîne les tendinites.

Plus qu’un parcours du combattant, c’est un véritable récit de résilience que raconte Clara. Sincère et lucide sur les impasses qu’elle a rencontrées, elle montre l’importance d’une prise en charge psychologique adaptée à ces milieux et insiste sur l’importance de l’entourage.

****

Un commentaire de madame K Brandin

Il y a une part d’universel dans le témoignage désarmant de Clara Lesoille. Un récit sans fard, à corps et cœur ouverts ; à corps et âme blessés, fracturés, torturés au sens où l’on devine que l’anorexie, ce bourreau, ne frappe pas au hasard. Qu’elle semble presque choisir ses victimes. Cette maladie comme toutes les affections se développe en terrain propice et il y a un faisceau d’indices malgré tout qui peuvent alerter, sans rien éviter pour autant. Des catalyseurs aussi : la remarque d’un proche, d’un entraîneur un peu trop zélé ; une remarque anodine en réalité pour un esprit armé, préparé à la recevoir, à riposter, mais qui dans un cerveau fragilisé, va créer une réelle déflagration. Une réaction en chaîne, souvent destructrice et très difficile à geler.

Le profil est souvent celui d’une jeune fille timide, brillante, présentée et perçue comme telle au point que ces qualités vont rapidement devenir une prison, un fardeau. Un devoir aussi : celui de l’excellence. Celui d’être infaillible. Ces enfants « précoces » comme l’on dit avec fierté dans les familles, cérébraux, « qui se suffisent à eux-mêmes » entend-on parfois, sont loin des jeux bruyants, désordonnés et comme imperméables aux marqueurs de l’insouciance et donc de l’enfance. Des enfants déjà vieux pour ainsi dire.

La personne anorexique, souvent obsessionnelle, routinière, va préférer à l’imprévu d’une vie libre, une existence corsetée, réglée mais sûre. Pour que rien ne dépasse. Tous les bourrelets sont à éliminer : la vie comme la peau doivent être lisses. L’aspérité est une menace ou un défaut. La trahison insurmontable.

Ensuite chaque histoire de vie est unique bien sûr. Dans l’enseignement notamment, on a tous croisé des anorexiques à la recherche d’une esthétique irréelle, idéalisée quand d’autres rêvent de records et de performances ; d’autres encore sont obsédées par le pur l’esprit, cherchant à se délester de ce corps trop lourd qui les rive au sol, les abrutit comme si elles étaient trop mortelles pour être vivantes. Et dans les cas les plus tragiques, c’est juste une manière lente et douloureuse de disparaître. Un suicide assisté en quelque sorte, une torture que l’on s’inflige (et que l’on inflige malheureusement) comme pour expier une faute héritée d’un autre temps.

Au fur et à mesure que l’on suit Clara dans cette lutte pour sortir de cet enfer et réparer l’ensemble des blessures, aussi nombreuses que consécutives car l’une des conséquences dans le cas de cette jeune athlète est une ostéoporose -partielle- précoce, on comprend l’ampleur du soutien indéfectible et précieux de l’entourage. Tout le monde prend sa part dans la lutte contre ce mal sournois : de la petite soeur aux parents, en passant par les grands-parents et l’oncle, en plus d’un suivi médical très dense et choisi avec soin. Tous sont mis à contribution dans ce long et complexe processus de guérison.

C’est un ouvrage qui peut sans aucun doute aider les familles frappées par ce mal étrange, déroutant et qui trop souvent entraîne tout sur son passage avec un enfant malade perçu comme capricieux, égoïste. Car c’est une maladie souvent présentée comme indécente, que l’on semble s’infliger, qui est visible, gênante au point d’ailleurs d’accuser certaines jeunes femmes de porter leur maigreur en étendard, comme une provocation. Bravo donc à cette famille si unie, aimante et courageuse d’avoir su éviter ce piège de la colère, de la rancœur aussi. Bravo à eux enfin d’avoir eu collectivement la générosité d’encourager la publication de ce témoignage car cette démarche ne va pas soi.

Ce partage ne va pas de soi. En 1997, D. Barr avait produit le film :“Le prix de la gloire” qui relatait la descente aux enfers d’une jeune gymnaste pleine de talent elle-aussi qui suite à un épisode vexatoire de la pesée en public, va développer une anorexie/boulimie qui mettra sa vie en danger.

A la maxime de la maman héritée de Confucius : « Le bonheur ne se trouve pas au sommet de la montagne, mais dans la façon de la gravir », on peut associer cette phrase attribuée à Einstein : « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre. »

Et Clara d’ajouter peut-être : « en regardant devant. »

Belle et longue route à elle sur les pistes d’une vie décomplexée, libre, pleine et entière.

 

 



Articles Par : Clara Lesoille et Agathe Lecaron

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.

Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif. Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez demander la permission au détenteur du droit d'auteur.

Contact média: [email protected]