Québec: Le discours prétendument confus des étudiants

Il serait temps de mettre un point au clair : les étudiants ne sont pas confus. Ils ne sont pas non plus inconscients, inconsistants et nuls en communication. De nombreux commentateurs, chroniqueurs et journalistes veulent à tout prix discréditer le mouvement étudiant. Il n’est donc pas étonnant de vivre ce que nous avons déjà vécu en 2012.

La première erreur que font les médias, et par conséquent ceux qui répètent ad nauseam leurs propos, est de penser que le mouvement étudiant est un bloc monolithique uni et militant pour les mêmes causes. Or, c’est on ne peut plus faux.

Chaque association étudiante a ses propres motivations. Leurs revendications résument les préoccupations de leurs membres, telles qu’elles furent votées en assemblées. Les assemblées générales sont longues justement parce que chaque étudiant a droit de parole, peut exprimer ses inquiétudes et proposer des actions. Lorsque la grève est votée, c’est lorsqu’il y a eu consensus. Cela ne veut pas dire que tous approuvent ce qui a été voté et y adhèrent entièrement. En démocratie, ça n’arrive jamais. Réduire le mouvement étudiant à une simple dichotomie entre les « rouges » et les « verts » ou encore les « rouges » contre le gouvernement est faire preuve de raccourci intellectuel grossier. C’est une mauvaise habitude aux relents de manichéisme que d’aborder de tels conflits de façon binaire.

On ne leur donne pas la parole

Cela montre que très peu de ceux qui couvrent les événements prennent le temps de parler avec les étudiants (nous en avons eu un très bel exemple la semaine dernière avec le faux pas de Mme Sophie Durocher et de M. Richard Martineau). On les critique, on les accuse d’être peu éloquents, mais on ne leur donne pas la parole. Le seul moyen restant est la rue.

Pour reprendre les propos de Noam Chomsky, les discours qui sont à contre-courant de ce qui est véhiculé par les médias de masse requièrent des explications pour être compris. Or, cela n’est pas possible lorsque le temps alloué à ce genre de nouvelle est de quelques minutes entre deux annonces publicitaires. Une affiche percutante comme « Fuck Toute » mérite un argumentaire, certes, mais qui s’est proposé pour l’entendre ? Les manifestants ont, avec raison, de la suspicion envers les médias de masse qui n’hésitent pas à déformer leurs propos, à ridiculiser leurs revendications et à grossir de manière éhontée les gestes des casseurs qui sont rarement étudiants.

Une suite logique

Peut-on réellement dire que les étudiants sont inconsistants alors qu’ils manifestent pour l’intérêt de l’ensemble de la société et contre les mesures d’austérité, trois ans après avoir milité pour des compressions qui les affectaient directement ? Non, c’est même une suite tout à fait logique. Est-ce que l’on peut dire qu’ils sont nuls en communication s’ils n’ont accès à aucune tribune médiatique leur permettant d’expliciter leur argumentaire ? Non plus. Au lieu d’entrer en dialogue avec ses citoyens — parce que, n’en déplaise à beaucoup, les étudiants sont des citoyens et bien souvent des travailleurs —, le gouvernement les réprime et tente de faire taire leur voix.

Pour ce qui est d’être confus, c’est plutôt les commentateurs qui le sont. Répéter que l’on ne comprend pas, mais ne faire aucune action pour remédier à la situation est une méthode qui mène rarement loin. Non, les étudiants ne sont pas confus. Ils savent très bien pourquoi ils militent. Chacun d’entre eux a ses raisons, beaucoup sont communes, il suffirait de réellement les écouter.

Myriam Rondeau

Myriam Rondeau : Étudiante au baccalauréat en études littéraires, Université du Québec à Montréal



Articles Par : Myriam Rondeau

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