Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, un événement se prépare. Une guerre n’est pas encore terminée, mais Israël est déjà en train d’attiser la prochaine. On nous a refusé le luxe d’un répit ou d’un peu d’illusion et d’espoir. L’horizon “diplomatique” d’Israël n’est plus que guerre sur guerre, sans qu’aucune autre alternative ne soit sur la table. Pas moins de trois guerres sont à l’ordre du jour : la reprise des hostilités à Gaza, le bombardement de l’Iran et la guerre en Cisjordanie.
Israël est le seul responsable de la prochaine guerre en Cisjordanie. Ne nous dites pas qu’on nous a trompés, ne prétendez pas que nous n’étions pas au courant. Cela fait 16 mois que tout est écrit, que tout est à feu et à sang, et personne n’y met fin. C’est à peine si l’on en parle.
Ce n’est plus la Cisjordanie que nous avons connue. Les choses ont changé. L’occupation – dont la progression n’a jamais été aussi flagrante – est devenue plus brutale que jamais. Au lendemain du 7 octobre, Israël a effectivement emprisonné les trois millions d’habitants de la Cisjordanie. Depuis, au moins 150 000 personnes – pour la plupart des employés laborieux, assidus et dévoués – ont perdu leur gagne-pain. Ces personnes n’ont rien à voir avec l’attaque perpétrée le long de la frontière de Gaza. Elles cherchaient seulement à subvenir aux besoins de leur famille. Mais Israël leur a ôté toute perspective de vie décente, une chance qui ne se représentera probablement plus. Des centaines de milliers de personnes ont été condamnées à une vie de misère. Les plus jeunes ne se tairont pas.
Ce ne sont là que les prémices de l’histoire. La Cisjordanie a également été verrouillée de l’intérieur. Environ 900 check-points – certains permanents, d’autres temporaires – ont découpé la Cisjordanie et la vie de ses habitants. Chaque déplacement entre communautés est devenu un jeu de roulette russe. Le poste de contrôle sera-t-il fermé ou ouvert ? Lorsque j’ai passé six heures à attendre au poste de contrôle de Jaba, un jeune homme en route pour son mariage se trouvait derrière moi. Le mariage a été annulé. Les routes de Cisjordanie se sont vidées.
Les checkpoints ne sont que l’un des aspects de la situation. Quelque chose a également changé dans l’attitude des soldats de l’occupation. Peut-être envient-ils leurs frères de Gaza, ou peut-être s’agit-il simplement d’un état d’esprit qui prévaut actuellement au sein de l’armée israélienne. Mais la plupart d’entre eux n’ont jamais traité les Palestiniens comme ils le font aujourd’hui. Ce n’est pas seulement la facilité avec laquelle ils appuient sur la détente, ou l’utilisation d’armes jamais déployées en Cisjordanie auparavant, comme les avions de chasse et les drones meurtriers. Il s’agit surtout de la façon dont ils considèrent les Palestiniens : comme des “animaux humains”, exactement comme ce qu’on leur a dit à propos des habitants de Gaza.
Un journaliste tente d’éviter les projections de boue alors que les forces israéliennes roulent sur une route détruite dans le camp de réfugiés palestiniens de Nur al-Shams, près de Tulkarem, mercredi.Crédit : AFP/Zain Jaafar
Les colons et ceux qui les soutiennent se sont empressés d’entrer dans la danse. Pour eux, c’est une occasion historique de vengeance. Ils veulent une guerre à grande échelle en Cisjordanie, sous le couvert de laquelle ils pourront mettre en œuvre leur grand plan d’expulsion massive. La situation est terrifiante, car cette stratégie semble pour Israël l’unique moyen de résoudre la question palestinienne.
Entre-temps, il ne se passe pas une semaine sans qu’apparaisse un nouvel avant-poste de colons non autorisé – une simple hutte entourée de milliers de dunams volés pour en soi-disant faire des “pâturages”. Il ne se passe pas un jour sans qu’un nouveau pogrom n’éclate. Ces attaques sont efficaces. Les plus faibles des Palestiniens de Cisjordanie – les bergers – baissent tout simplement les bras. Des communautés entières quittent la terre de leurs ancêtres, fuyant, terrorisées, les gangsters en kippa.
Et puis il y a eu l’expulsion organisée des camps de réfugiés. Ne dites pas qu’il n’y a pas de plan. Il y en a un, et il est monstrueux. Il s’agit de vider tous les camps de réfugiés de Cisjordanie et de les raser. C’est la “solution” au problème des réfugiés. Elle a commencé par le démantèlement de l’Office de secours et de travaux des Nations unies et se poursuit avec les bulldozers D-9. Quarante mille personnes ont déjà été expulsées, dont certaines maisons ont déjà été démolies. Les trois camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie sont désormais des terrains vagues, privés de toute vie.
Une femme porte des sacs en marchant sur des décombres dans le camp de réfugiés palestiniens de Nur al-Shams, près de Tul Karm, mercredi.
Ce n’est pas une guerre contre le terrorisme. On ne combat pas le terrorisme en détruisant les infrastructures hydrauliques, les réseaux électriques, les routes et les systèmes d’égouts. Il s’agit d’une destruction systématique des camps de réfugiés.
Elle ne s’arrêtera pas au camp de Nur al-Shams à Tulkarm ou aux camps d’Askar et de Balata près de Naplouse. Elle se poursuivra jusqu’au camp d’Al-Fawwar, près d’Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
Pour être clair, voici ce qu’Israël est en train de faire : une Nakba.
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