Pressions occidentales : Mali, Ethiopie, Soudan face à la géopolitique mondiale

Suite aux actions de déstabilisation, certaines régions, notamment dans la Corne de l’Afrique et autres pays nord-africains, affirment leur volonté de mieux défendre leur souveraineté, développer la vague panafricaine ainsi que l’interaction stratégique avec la Russie et la Chine.

Dans un monde de plus en plus multipolaire, le continent africain n’a pas besoin qu’on lui dicte les bienfaits, avantages ou inconvénients de collaborer avec tel ou tel pays, n’en déplaise aux Occidentaux. Face à cette volonté d’émancipation, l’Occident promeut des tensions avec le maintien et la multiplication de zones instables ainsi que d’autres pressions afin de défendre ses intérêts économiques et stratégiques. À ce titre, on peut évoquer l’évolution récente dans trois pays d’Afrique : le Mali, l’Éthiopie et le Soudan en proie à de vives critiques européennes et américaines.

Le Mali

Sous couvert de l’intervention française, on peut s’interroger sur la main invisible du Pentagone et la marque de l’AFRICOM (commandement états-unien en Afrique). Derrière le combat pour lutter contre l’avancée des terroristes, n’y aurait-il pas une volonté de la partition du Mali entre le nord où Al-Qaeda et autres mouvances de ce type sévissent, et qui possède d’énormes réserves de pétrole, et le sud qui est plus agraire ? En octobre 2021, le Mali, par la voix de son Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, a accusé la France de former les terroristes qu’elle prétend combattre, notamment le goupe Ansar el-Din, affilié à Al-Qaeda. Face à la présence de groupes terroristes radicaux, le Mali est dans une situation sécuritaire complexe et s’est tourné vers la Russie pour pouvoir y répondre (capacités militaire, technique) et défendre son intégrité territoriale. D’autres domaines de coopération ont également été évoqués notamment les échanges commerciaux russo-maliens dans un climat de sanctions internationales appliquées aux dirigeants maliens du gouvernement par intérim. Ce gouvernement est issu du renversement par l’armée du président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020 qui a donné lieu à un régime de transition avant la tenue d’élections présidentielle et législative courant 2022. C’est dans ce cadre de situation politique provisoirement instable que la lutte contre le terrorisme et l’intégralité du territoire revêt un rôle crucial et que le pays ne doit pas subir d’autres mesures déstabilisatrices de la part de la communauté internationale (soutien non officiel aux mouvements terroristes du nord du pays, sanctions contre-productives…).

L’Éthiopie

On assiste dans le nord à une escalade dans la confrontation entre les forces éthiopiennes et les rebelles du TPLF soutenus indirectement par les États-Unis. À Washington a eu lieu récemment la signature d’un accord pour la création d’une alliance entre neuf groupes rebelles issus de différentes ethnies éthiopiennes (y compris le TPLF). Les Américains sont également très actifs à travers le représentant spécial de Joe Biden pour la Corne de l’Afrique et le Soudan, Jeffrey Feltman. Cet ambassadeur a supervisé la guerre contre la Syrie, y compris le financement et l’armement de jihadistes, participé à la création du Kurdistan irakien pour le compte de la société privée « Autorité provisoire de la Coalition en Iraq », a soutenu la « révolution du Cèdre » lorsqu’il était en poste à Beyrouth et organisé la crise actuelle au Soudan… La campagne de désinformation du TPLF relayée par les médias occidentaux a créé un faux sentiment d’insécurité généralisée, et les accusations contre le gouvernement éthiopien ont été démenties par le rapport du Haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme. Le Conseil de sécurité de l’ONU a d’ailleurs appelé à un cessez-le-feu et à un dialogue national. Le Premier ministre, Abiy Ahmed, militaire issu de la principale ethnie longtemps discriminée (pentecôtiste omoro) et prix Nobel de la paix en 2019 (our son action en faveur de la paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée, semble être qualifié pour mener ces pourparlers si les États-Unis, à travers leur émissaire et leurs actions déstabilisatrices, ne viennent pas troubler ce processus. L’agence de presse officielle éthiopienne ENA a confirmé que la pression occidentale continue exercée sur l’Éthiopie visait à forcer le pays à s’incliner pour des intérêts extérieurs.

Le Soudan

Le renvoi des ministres civils par les militaires en octobre 2021 a eu pour but de préserver l’unité de ce qui reste du pays après la sécession du Soudan du Sud qui est, de fait, sous protectorat des États-Unis après que les USA aient utilisé des sociétés militaires privées US notamment DynCorp International comme combattants déguisés en autochtones. Suite au référendum d’autodétermination de 2011, le Soudan a perdu un quart de son territoire et ses ressources pétrolières qui représentaient 85 % de la production nationale. Aujourd’hui, les États-Unis encouragent les rivalités des tribus soudanaises, ne cherchant pas à favoriser un camp plutôt qu’un autre, mais ayant pour objectif que ceux-ci détruisent les structures étatiques pour que le Soudan ne puisse plus résister aux puissances occidentales. Dans ce contexte difficile, le Soudan se tourne vers la Russie en vue d’une coopération militaire.

En conclusion

On ne peut que souhaiter une industrialisation de l’Afrique et son développement économique qui accompagnent un bien-être accru pour le continent. Derrière les soi-disant bonnes volontés occidentales se cachent malheureusement souvent les mêmes « travers » : soif de ressources naturelles et de marchés, ainsi que d’autres passe-droits combinés avec des méthodes d’ingérence qui sont traditionnellement leurs traits.

 Anne Philippe, pour FranceSoir

 

Sources : Réseau Volaire (Thierry Meyssan), Les Echos, Sputnik (Irina Tarassova, Maria Balareva, Ekaterina Yanson), Mondialisation.ca (Mikhail Gamandiy-Egorov, F.William Engdahl), Reuters



Articles Par : Anne Philippe

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