Palestine : que dit le droit international du droit à la résistance ?

« Résistance, résistance, c’est la voix de l’existence ! » Un slogan souvent entendu et répété dans les manifestations organisées en faveur de la cause palestinienne. Aux yeux de bon nombre de Palestiniens, la résistance armée est l’option la plus adéquate pour se libérer de l’occupation israélienne. Le droit international légitime-t-il le droit à la résistance ? Dans quelles circonstances ? Eclairage de Gilles Devers, avocat au Barreau de Lyon spécialisé dans le droit pénal international .
Saphirnews : Que dit le droit international sur le droit à la résistance ?
Ensuite, viennent trois données complémentaires. La première est la défense. Un gouvernement dispose de la force armée pour défendre sa population et son territoire. Il s’agit bien d’une fonction de défense, c’est-à-dire de protection, car le droit international interdit les guerres de conquête, qui seraient une fonction d’attaque. En droit, une armée n’agit en dehors de son territoire que dans deux hypothèses : pour répondre à la demande de soutien d’un gouvernement ami, ou pour prévenir, ou contenir, une opération militaire adverse.
Dans ce dernier cas, l’armée peut s’engager en dehors de son territoire car c’est la seule solution pour défendre son pays, et il y aura alors une « occupation militaire ». Ainsi, l’occupation militairen’est pas illicite en droit international : c’est le cas d’une armée présente sur un territoire étranger, le temps de conclure la paix. Il le devient illicite lorsqu’il ne s’agit plus de gérer une phase transitoire, mais de s’installer durablement pour prendre le contrôle du territoire par la force armée. L’occupation devient une forme lente de la guerre de conquête. Cette occupation, qui est illicite, justifie la résistance armée.
Il faut ajouter que cette notion de résistance n’est pas propre au droit international. Ainsi, la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui est partie intégrante de notre Constitution, proclame en son article 2 que la « résistance à l’oppression » est un droit fondamental.

Dans quelles circonstances le droit à la résistance peut-il s’exercer et quelles sont les limites qui sont fixées ?
Le commandement est indispensable, car la résistance repose sur la souveraineté d’un peuple. Quand les circonstances sont très dures, la résistance peut se trouver éclatée en plusieurs groupes, parfois divisés. L’unité est toujours préférable, mais il faut pour cela bien de discussions… pas toujours possibles avec la présence d’une armée étrangère sur le terrain. Les groupes résistants doivent organiser un commandement, car l’acte individuel qui ne peut se revendiquer d’une autorité sera plus difficile à justifier, la résistance reposant sur un but politique.
La distinction des civils et des miliaires est incontournable. La question de la proportion ne joue que dans l’organisation de l’attaque, et pas pour la protection des civils contrairement à ce que l’on entend trop souvent. Aussi, la résistance doit viser des cibles militaires, ce qui inclut le commandement politique.
Enfin, conduire une opération militaire vise à l’emporter par la force des armes, et le but recherché est de frapper mieux et plus fort que l’adversaire. Donc, on ne cherche pas l’égalité des armes, seulement un certain registre de proportion. Mandela l’avait parfaitement expliqué, quand il avait fallu faire le choix de la lutte armée : c’est l’oppresseur, par ses méthodes, qui désigne à la résistance les armes qu’elle doit utiliser.
Comme professionnels du droit, la principale difficulté est souvent la connaissance des faits. Il ne s’agit pas d’une enquête pénale classique, mais d’une enquête en temps de guerre, dans le cadre d’opérations militaires. Réunir les informations et les preuves permettant de bien comprendre l’affaire et de déterminer les responsabilités est un travail complexe
Quelle analyse posez-vous sur la situation actuelle dans les Territoires occupés palestiniens ?
Une partie du pouvoir palestinien a choisi la négociation, mais cela ne condamne pas le maintien d’une résistance dès lors que celle-ci est organisée, et bénéficie d’un soutien dans la population. Le président de l’Autorité palestinienne (Mahmoud Abbas, ndlr) vient d’ailleurs de déclarer devant l’Assemblée générale de l’ONU qu’il voulait se dégager du processus des accords d’Oslo.
Enfin, il faut rappeler que l’été 2014, tous les leaders de la résistance armée ont donné leur accord pour que la Palestine ratifie le traité de la Cour pénale internationale (CPI), ce qui signifie qu’ils demandent l’application entière et globale du droit international à tous les acteurs du conflit israélo-palestinien.

L’application du droit international se fait attendre pour les Palestiniens. Vous avez déposé une plainte auprès de la CPI pour des crimes de guerre commis par Israël en 2014 à Gaza. Où en est la procédure ? Quelles sont les chances pour que la CPI finisse un jour par inculper Israël ?
Il y avait alors un débat sur la compétence de la CPI vis-à-vis de la Palestine, auquel nous avions les moyens de répondre. Une autre option été choisie, très intéressante, qui consistait à chercher un consensus politique en Palestine, pour ensuite ratifier le traité. C’est ce qui a été fait le 31 décembre 2014, et la Palestine est officiellement membre de la CPI depuis le 1er avril 2015. Il n’y a donc plus aucun débat sur la compétence.
Donc, le procureur a tout pour enquêter… en fait, presque tout. En effet, le gouvernement palestinien s’est ensuite ressaisi de la question, et c’est à lui qu’il revient désormais de déposer plainte. Or, malgré maintes déclarations, le gouvernement de Palestine n’a pas déposé plainte. Il n’a d’ailleurs toujours pas désigné un interlocuteur valable pour la CPI, car c’est le ministre des Affaires étrangères qui fait encore des démarches auprès du procureur, et ces démarches ne sont pas judiciaires.
Aussi, l’on peut comprendre la réticence du procureur à ouvrir l’enquête, alors que manifestement le gouvernement de Palestine n’en veut pas. La société civile peut prendre des initiatives, et elle le fait. Mais le procureur hésite à s’engager car, pour qu’une enquête progresse, il faudra la collaboration effective du gouvernement de Palestine. Je suis avocat et je n’ai pas à prendre position sur les options politiques retenues par le gouvernement. Simplement, j’explique qu’à ce jour, l’obstacle n’est pas juridique mais politique.
1. Demande à tous les Etats d’appliquer intégralement (…) les résolutions de l’Organisation des Nations Unies concernant l’exercice du droit à l’autodétermination et à l’indépendance par les peuples sous domination coloniale et étrangère.
2. Réaffirme la légitimité de la lutte des peuples pour leur indépendance, leur intégrité territoriale et leur unité nationale et pour se libérer de la domination coloniale (…) et de l’occupation étrangère par tous les moyens à leur disposition, y compris la lutte armée ;
3. Réaffirme le droit inaliénable (…) du peuple palestinien (…) à l’autodétermination, à l’indépendance nationale, à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale et à la souveraineté sans ingérence étrangère ;
21. Condamne énergiquement les activités expansionnistes d’Israël au Moyen-Orient et le bombardement continuel des civils palestiniens, qui constituent un obstacle grave à la réalisation (…) de l’indépendance du peuple palestinien ;
24. Exige la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues ou emprisonnées du fait de leur lutte pour l’autodétermination et l’indépendance, le respect total de leurs droits individuels fondamentaux. »