Non, Poutine n’est pas Hitler
Les économies d'Europe occidentale, sous l'impulsion d'une UE en mutation, sont en train de se préparer à la guerre, leurs dirigeants véhiculant une haine héréditaire & atavique de la Russie.

Un sophisme domine actuellement la “pensée” néolibérale européenne. Il s’énonce comme suit :
“Hitler avait des ambitions territoriales illimitées et a tenté de conquérir toute l’Europe après avoir annexé les Sudètes. Par conséquent, Poutine a des ambitions territoriales illimitées et tentera de conquérir toute l’Europe après avoir annexé l’est de l’Ukraine”.
Cet argument fallacieux ne prouve nullement l’ambition territoriale du président Vladimir Poutine. Pour prouver que Poutine menace le Royaume-Uni, le Premier ministre Keir Starmer fait référence de manière risible à l’affaire du “novitchok” de Salisbury, peut-être la plus pathétique propagandede l’histoire.
Mais même si vous étiez assez naïf pour accepter la version officielle des événements de Salisbury, une tentative d’assassinat contre un agent double indique-t-elle de manière crédible le désir de Poutine de déclencher la troisième guerre mondiale ou d’envahir le Royaume-Uni ?
Les ambitions territoriales d’Hitler n’étaient pas secrètes. Son aspiration à l’espace vital et, surtout, sa conviction que les Allemands constituaient une race supérieure censée dominer les races inférieures, étaient clairement exprimées dans ses écrits et ses discours.
Rien ne prouve que Poutine ait de telles ambitions territoriales. Il ne défend pas une idéologie nazie délirante prônant la conquête, ni une idéologie marxiste visant à renverser l’ordre établi dans le monde.
Le projet d’alignement économique des pays des BRICS ne vise pas à promouvoir un système économique radicalement différent, mais simplement à rééquilibrer les pouvoirs et les échanges au sein du système, ou tout au plus à créer un système parallèle non biaisé en faveur des États-Unis.
Le projet des BRICS ne prévoit ni la fin du capitalisme, ni l’expansion territoriale.
On ne peut tout simplement pas prouver que Poutine nourrit des objectifs territoriaux au-delà de l’Ukraine et des minuscules enclaves d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. Et il est par contre tout à fait juste de dire que l’expansion territoriale de Poutine au cours des deux dernières décennies se limite à la réincorporation des districts minoritaires russophones menacés dans les États de l’ex-Union soviétique.
Je ne saisis pas bien pourquoi il faudrait déclencher une guerre mondiale et sacrifier un nombre illimité de vies pour savoir qui va être maire de la ville de Lougansk, peuplée d’ethnies russes et russophones.
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Penser que Poutine est sur le point d’attaquer la Pologne ou la Finlande est parfaitement absurde. Et croire que l’armée russe, qui a eu du mal à soumettre une Ukraine faible et corrompue, bien que soutenue par l’Occident, est capable d’attaquer l’Europe occidentale elle-même est tout simplement inenvisageable.
Le bilan de la Russie de Poutine en matière de droits de l’homme est médiocre, mais à ce stade, il vaut toujours mieux que celui de l’Ukraine du président Volodymyr Zelensky. En Russie, par exemple, les partis d’opposition sont autorisés à participer aux élections, même si les règles du jeu sont inéquitables, alors qu’en Ukraine, ils sont purement et simplement interdits.
Les arguments selon lesquels les activités politiques de la Russie à l’étranger dans des pays tiers exigent une augmentation massive des armements occidentaux pour se préparer à une guerre avec la Russie sont encore moins crédibles.
Ingérence et destruction occidentales
En vérité, les puissances occidentales s’ingèrent bien plus dans les affaires des autres que la Russie, par le biais d’un parrainage massif d’ONG, de journalistes et d’hommes politiques, dont une grande partie est publique et l’autre secrète.
Les révélations de l’USAID ou les fuites de l’Integrity Initiative donnent au public un aperçu de ce monde.
Certes, la Russie en fait autant, mais à une échelle bien moindre. Dire que la Russie cherche à conquérir le monde ou que ses agissements justifieraient qu’on lui déclare la guerre est un argument tellement spécieux qu’on peine à croire à la bonne foi de ceux qui le défendent.
L’intervention militaire russe en Syrie serait également la preuve que Poutine a des projets de conquête mondiale.
L’intervention russe en Syrie a empêché pendant un certain temps sa destruction par l’Occident, de la même manière qu’il a détruit l’Irak et la Libye. La Russie a retardé l’arrivée au pouvoir de terroristes islamistes enragés et le massacre des communautés minoritaires de Syrie. Ces horreurs se déroulent actuellement, en partie à cause de l’affaiblissement de la Russie par la guerre en Ukraine.
Dire que l’intervention de la Russie en Syrie montre que Poutine est le mal incarné est une malhonnêteté éhontée de la part de nations qui ont détruit l’Irak, l’Afghanistan et la Libye. Les États-Unis occupent militairement un quart de la Syrie depuis plus de dix ans et ont volé la quasi-totalité du pétrole syrien.
Pointer du doigt la Russie ne tient pas debout.
Bizarrement, cette même “logique” ne s’applique pas à Benjamin Netanyahu. Les néolibéraux [néocons] ne prétendent pas que ses annexions de Gaza, de la Cisjordanie, du Sud-Liban et du sud de la Syrie signifient qu’il doit nourrir d’autres ambitions territoriales. En fait, les néolibéraux ne relèvent même pas les agressions de Netanyahu, ou les présentent comme des actes de “défense” – le même argument avancé de manière beaucoup plus crédible par Poutine en Ukraine, mais que les néolibéraux [néocons] rejettent catégoriquement.
Une Union européenne bouleversée
Les économies d’Europe occidentale sont à nouveau sur le pied de guerre, sous la direction d’une Union européenne complètement transformée. Les partisans enthousiastes du génocide à Gaza, qui dirigent l’UE, véhiculent désormais une haine héréditaire atavique de la Russie.
La politique étrangère de l’UE est menée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen [Allemagne], et la vice-présidente, Kaja Kallas (Estonie). La russophobie fanatique que ces deux femmes propagent, et leur désir non dissimulé d’intensifier la guerre en Ukraine, ne peuvent que rappeler aux Russes qu’ils viennent de nations autrefois fanatiquement nazies.
Pour les Russes, la situation rappelle beaucoup celle de 1941. Alors que l’Europe est en proie à une propagande antirusse totale, la tentative de Trump de négocier un accord de paix s’inscrit dans un contexte troublé et la Russie fait preuve d’une méfiance compréhensible.
Le Royaume-Uni continue de jouer le rôle le plus néfaste. Il a envoyéJonathan Powell de Morgan Stanley [banque américaine] pour conseiller Zelensky sur les pourparlers de paix. En tant que chef de cabinet de l’ancien Premier ministre Tony Blair, Powell a joué un rôle crucial dans l’invasion illégale de l’Irak.
Chaque fois qu’on peut faire de l’argent en faisant la guerre, on retrouve les mêmes charognards. Ceux qui ont participé au lancement de l’invasion de l’Irak devraient être exclus de la vie publique. Au lieu de cela, Powell est maintenant le conseiller à la Sécurité nationale du Royaume-Uni.
Je ne suis pas un adepte de Poutine. La force utilisée pour écraser le désir légitime d’autodétermination de la Tchétchénie était disproportionnée, par exemple, et il serait naïf de croire qu’un tendre peut devenir lieutenant-colonel du KGB.
Mais Poutine n’est pas Hitler. Ce n’est que par le prisme du patriotisme que Poutine passe pour être pire que les dirigeants occidentaux qui soutiennent des invasions massives et sèment la mort aux quatre coins du monde, et tentent maintenant d’étendre la guerre à la Russie.
Ici, au Royaume-Uni, le gouvernement Starmer cherche activement à prolonger la guerre et à augmenter massivement les dépenses d’armement, avec toujours plus de pots-de-vin et de futurs postes de direction et de conseil pour les politiciens.
Pour financer ce bellicisme, le Nouveau Parti Travailliste réduit les dépenses consacrées aux malades, aux handicapés et aux retraités du Royaume-Uni, et supprime l’aide humanitaire aux populations affamées à l’étranger.
Le Labour Friends of Israel a publié une photo de Starmer rencontrant le président israélien Herzog, six mois après que la Cour internationale de justice ait cité une déclaration de Herzog comme preuve d’intention génocidaire dans sa décision provisoire.
Le gouvernement Starmer a été élu par les 31 % d’électeurs qui ont pris la peine de voter, soit 17 % de la population adulte. Il se livre à une persécution juridique généralisée des principaux soutiens britanniques de la Palestine et est activement complice du génocide à Gaza.
La supériorité morale se pose là.
Craig Murray
Article original en anglais : Craig Murray: Putin Is No Hitler, Consortium News, le 14 mars 2025.
Traduction : Spirit of Free Speech
Image en vedette : Le président russe Vladimir Poutine au sommet des BRICS à Kazan, en Russie, en octobre 2024 ; le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à gauche (© Grigoriy Sysoyev / ru Host Photo Agency/ Kremlin)
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Craig Murray est écrivain, journaliste et militant des droits de l’homme. Il a été ambassadeur britannique en Ouzbékistan d’août 2002 à octobre 2004 et recteur de l’université de Dundee de 2007 à 2010.