Les troupes de l’ONU accusées de violer les droits humains en Haïti

Le 15 octobre 2007, le Conseil de la Sûreté de l’ONU a décidé de prolonger le mandat de la Mission de Stabilisation de Nations Unies en Haïti (MINUSTAH) [Brésil, Argentine, Bolivie, Chili, Équateur, Guatemala, Paraguay, Pérou et Uruguay], jusqu’au 15 octobre 2008. Dans une note publiée le 16 octobre 2007, le Ministère des relations extérieures affirme que, « le gouvernement brésilien a accueilli la décision avec satisfaction». L’armée brésilienne a la fonction de coordonner les forces de la MINUSTAH, composée d’environ neuf mille soldats. Cependant, il y a peu de débat dans la société brésilienne sur le rôle du Brésil dans l’occupation d’Haïti et, surtout, sur les plaintes pour participation des troupes de l’ONU à  des violations des droits humains.

L’un des cas documentés par des organisations haïtiennes des droits humains est le massacre survenu le 22 décembre 2006 dans le quartier de Cité Soleil, après une manifestation de près de dix mille personnes qui demandaient le retour de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide au pays et le départ des forces militaires étrangères. Selon des récits de la population locale et des images de vidéo produit par l’organisation Haiti Information Project – HIP (Projet d’Information sur Haïti), les forces de l’ONU ont attaqué le quartier et ont tué près de 30 personnes, dont des femmes et des enfants.

En réponse aux critiques des organisations des droits humains qui ont dénoncé le massacre, la MINUSTAH a justifié ses actions par le prétexte de combattre des soidisant bandes à Cité Soleil. Cependant, les images enregistrées par HIP ont révélé que les troupes de l’ONU ont tiré depuis des hélicoptères contre des civils désarmés. L’agence de presse Inter Press Service (IPS) a fait un reportage dans le quartier juste après l’attaque et a noté des impacts de balles de gros calibre sur beaucoup de maisons. Le directeur de HIP, Kevin Pina, accuse la MINUSTAH d’agir de concert avec la Police Nationale Haïtienne dans des exécutions sommaires et des emprisonnements arbitraires et remarque que, « dans ce contexte, il est difficile de continuer à voir la mission de l’ONU comme une force indépendante et neutre en Haïti ».

Dans une rencontre avec la journaliste Claudia Korol de l’agence Adital , Camille Chalmers, professeur à l’Université d’Haïti et membre de la Plateforme Haïtienne pour l’Articulation de Mouvements Sociaux, a expliqué que : « la MINUSTAH a essayé de construire une légitimité en disant qu’elle lutte contre des bandits. Mais beaucoup de gens perçoivent que la seule chose qui peut réduire réellement l’insécurité ce sont les politiques publiques et les services sociaux. Au lieu de cela, ce que nous avons, c’est un appareil militaire violent ».

Une autre opération militaire violente est survenue en juillet 2005. A cette occasion, 22 000 impacts de balles ont été relevés, suite à une attaque de la MINUSTAH à Cité Soleil. Les rapports de HIP citent les plaintes d’habitants qui ont dit que l’on a trouvé des personnes mortes et blessées dans leurs maisons. Ces déclarations révèlent que les soldats ont tiré sans discernement dans le quartier, en provoquant un effet dévastateur, vu que habitations dans la cité sont extrêmement précaires. Ils ont dénoncé de plus que la MINUSTAH n’a pas permis l’accès à la Croix-Rouge, violant ainsi la Convention de Genève.

Des documents confidentiels du gouvernement des USA, obtenus par des organisations de droits humains par le biais d’une requête judiciaire s’appuyant sur la Loi pour la liberté de l’ information , démontrent que l’ambassade US savait que les troupes de l’ONU projetaient une attaque à Cité Soleil. Des organisations sociales locales ont considéré que l’objectif des militaires était d’empêcher une manifestation populaire le jour de l’anniversaire d’Aristide, le 15 juillet.

Un rapport établi par Project Censored (Projet Censuré) estime que plus de mille membres de Lavalas, partisans de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, ont été arrêtes et près de huit mille personnes assassinées pendant le soi-disant « gouvernement intérimaire », qui a contrôlé le pays de 2004 à 2006, à partir du coup d’État contre Aristide, le 29 février 2004. Camille Chalmers caractérise cette action comme une « intervention menée par les gouvernements des USA et de la France ». Et elle ajoute que, « la solidarité avec le peuple d’Haïti est d’aider à reconstruire le pays, de répondre aux problèmes sociaux les plus angoissants, mais la présence des militaires n’aide pas à cela. Les objectifs de garantir la sûreté et les droits humains n’ont pas été atteints. Au contraire, nous pensons que la présence de la MINUSTAH constitue une violation du droit à l’autodétermination du peuple d’Haïti ».

Plus récemment, le 2 février 2007, les troupes de l’ONU ont entrepris une autre opération dans Cité Soleil, qui a culminé avec la mort de deux jeunes qui dormaient dans leur maison. Le 7 février, diverses manifestations populaires ont eu lieu dans le pays et, le 9 février, il y a eu une nouvelle attaque militaire dans ce quartier, ce qui a été dénoncé par des organisations locales, comme l’ Institut pour la Justice et la Démocratie d’Haïti  (IJDH).

Le 30 octobre 2007, a été dénoncé l’enlèvement de la Docteure Maryse Narcisse, qui appartient à la direction Nationale de Lavalas  et travaillait dans des programmes sociaux de santé et d’éducation en Haïti. Un autre membre de Lavalas, le psychologue et défenseur des droits humains Pierre-Antoine Lovinsky, a disparu le 12 août 2007. Des organisations locales accusent les troupes d’occupation de l’ONU de générer une instabilité politique et de s’attaquer à des défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme dans le pays.

Entre le 23 juin et le 3 juillet 2007, la Fédération des Avocats du Brésil  (OAB) a réalisé une mission d’observation en Haïti et elle a constaté que la MINUSTAH joue un rôle « violent » et « oppressif », qui ne peut pas être caractérisé comme « une action humanitaire ». L’avocat Aderson Bussinger Carvalho, responsable du rapport, a demandé le retrait des troupes brésiliennes d’Haïti. « La conclusion à laquelle je suis arrivé est que la présence des troupes en Haïti n’est pas humanitaire. C’est une mission strictement militaire. Le pays a une histoire d’occupations et le Brésil finit par jouer ce rôle dans cette histoire », a affirmé Carvalho dans un rencontre avec le journal Folha de São Paulo, du 4 septembre 2007 ( Relatório da OAB afirma que missão da ONU no Haiti não é humanitária – 04/09/2007 )

Le rôle des militaires latinoaméricains en Haïti aujourd’hui est semblable à celui de la force multilatérale qui est restée en République Dominicaine après l’invasion US en 1965. La République Dominicaine a vécu une longue période de dictature militaire jusqu’en 1961, année de la mort du dictateur Rafael Trujillo. En 1962, Juan Bosch a été élu président, mais il a été renversé par un coup d’État militaire après sept mois de gouvernement. En avril 1965, une série de manifestations populaires ont demandé le retour de l’ex-président Juan Bosch. Le président US Lyndon Johnson a alors ordonné une invasion militaire en République Dominicaine, avec près de 20.000 marines. Quelques semaines après, l’ Organisation des États Américains (OEA), a envoyé la  Force Interaméricaine de Paix , composée de 1.129 soldats. A cette époque, le Brésil vivait sous une dictature militaire très dure, et le rôle des troupes brésiliennes dans la République Dominicaine a été semblable à celui qu’elles jouent actuellement en Haïti.

Les dénonciations du rôle négatif que les troupes de l’ONU jouent en Haïti ne sont pas prises en compte par le gouvernement brésilien. Sous le prétexte d’obtenir un siège au Conseil de la Sûreté de l’ONU, (ce qui est actuellement improbable), la politique brésilienne par rapport à Haïti sert à légitimer le coup d’État et à renforcer les intérêts du gouvernement US dans la région.

Traduction du portugais : ALAIPérou, 6 de noviembre de 2007.

Traduction de l’espagnol Tropas de la ONU acusadas de violar derechos humanos  pour El Correo : Estelle et Carlos Debiasi. Révisé par Fausto Giudici, Tlaxcala.

Marie Luisa Mendonça est journaliste et coordonnatrice du Réseau Social de Justice et de Droits humains.



Articles Par : Marie Luisa Mendonça

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