Le Sommet entre les États-Unis et la Corée du Sud: le couronnement de la diplomatie du Président Moon Jae-in

Le président sud-coréen Moon Jae-in est allé à Washington à l’invitation du président américain Joe Biden, la deuxième invitation d’un chef d’État étranger depuis la prise de pouvoir de Joe Biden.
À la suite d’un accueil chaleureux et généreux, les deux présidents ont annoncé le 21 mai une déclaration conjointe, marquant un virage significatif de l’alliance coréano-américaine. Il convient de noter que le sommet a eu lieu dans une situation où Washington cherche une stratégie de la gouvernance globale du Pax Americana d’après la crise sanitaire.
Au cours des années récentes, la République de Corée a fait preuve d’un développement constant et de son leadership dans les domaines de culture, de politique, d’économie et, surtout de la lutte contre la crise sanitaire. Son PIB (PPA) par habitant a dépassé celui du Japon, et la diplomatie du gouvernement de Moon a démontré un rôle phare en matière économique et politique de la région.
Tout ceci aurait eu pour effet d’induire Biden à choisir la Corée du Sud comme partenaire primaire dans la région indo-pacifique. Ce choix est précisé par les ententes bilatérales qui se résument comme suit.
En premier lieu, Washington confirme sa reconnaissance officielle non seulement des accords du sommet Donald Trump-Kim Jong-un conclus à Singapour le 12 juin 2018, mais aussi des ententes intercoréennes de Panmunjom déclarées le 17 avril 2018. Au sommet de Singapour, il est entendu que Washington et Pyongyang collaborent pour l’établissement de nouveaux rapports d’une part et, d’autre part, que la Corée du Nord entreprenne la dénucléarisation complète. Les ententes intercoréennes de Panmunjom incluent une déclaration de la fin de la Guerre de Corée – qui est reportée depuis l’armistice en 1953 – et la coopération plus avancée sur les plans économique et humanitaire.
En deuxième lieu, le sommet Biden-Moon a eu pour résultat de permettre à la Corée du Sud d’exercer un leadership dans l’alliance sanitaire et économique dans la région indo-pacifique. D’une manière plus concrète, Samsung Biologics va produire les vaccins de Moderna de sorte que la Corée devienne le «hub» de la chaîne de production de vaccins. Qui plus est, l’entreprise américaine Moderna a signé des protocoles d’accord avec des agences publiques et des centres de recherche de la Corée du Sud pour le développement des vaccins.
Par ailleurs, des délégués de deux pays ont conclu une collaboration accrue pour le développement de la chaîne de production des automobiles électriques. À cet effet, SK, LG et Samsung vont investir 40 milliards USD pour le développement et la production des batteries, des automobiles électriques et des semi-conducteurs.
Cette stratégie aura pour effet d’affaiblir le rôle de la Chine qui contrôle en ce moment plus de 50 % des chaînes de production des produits reliés à la télécommunication et à l’automobile électrique.
En troisième lieu, dans la déclaration conjointe, il est mentionné que Séoul et Washington s’inquiètent de la crise Taiwan sans toutefois mentionner la Chine, et ce, probablement en raison de l’inquiétude de Séoul à l’égard de la réaction de Pékin.
De même, le problème des droits de la personne en Corée du Nord est mentionné sans préciser les détails, un sujet sensible pour Pyongyang. La réaction de la Corée du Nord reste à voir.
En quatrième lieu, la Corée s’est libérée du protocole régulant la production de missiles à longue portée. La limite imposée actuellement – au maximum 800 km – est ainsi enlevée. La Corée du Sud a déjà la capacité de produire des missiles d’une portée de 2 000 km, pouvant atteindre la Chine continentale. Pékin exprime déjà son malaise, qui peut mettre en danger les exportations sud-coréennes.
En denier lieu, Washington aurait voulu également persuader la Corée du Sud de se joindre au Quad composé de l’Australie, de l’Inde, du Japon et des États-Unis, une alliance économique et sécuritaire ayant pour but d’étouffer la Chine. La Corée du Sud n’a pas décidé de s’y joindre. Toutefois, la Corée du Sud a accepté l’expression que les signataires soient préoccupés de la sécurité de la navigation des navires dans la mer chinoise méridionale. Ceci veut dire que Séoul pourrait coopérer pour le fonctionnement du Quad.
Par le sommet, la Corée du Sud s’est ainsi rapprochée davantage des États-Unis, affirmant leur partenariat économique, sanitaire et technologique en plus du partenariat sécuritaire. Ceci veut dire en même temps qu’elle est devenue un adversaire redoutable de la Chine.
Au cours de son mandat qui ne reste qu’une année, Président Moon a déjà accompli des réformes significatives sur les plans économique, politique et social, faisant avancer la démocratie, l’égalité et la justice. Ses politiques du Sud ont permis à la République d’assumer le leadership en Asie de l’Est. Enfin, la réussite de son sommet avec Biden est en quelque sorte un témoignage éloquent de ses accomplissements.
Joseph H.Chung
M. Joseph H. Chung est professeur des sciences économiques, UQAM.
Il est chercheur associé du Centre de recherche sur la mondialisation (Global Research /Mondialisation.ca)