Le peuple souverain est interdit.

3ème partie

Tous les lieux physiques dans lesquels le Pouvoir de la gouvernance représentative s’exerçait devraient être bloqués, barricadés, fermés. Ce qui doit remplacer tout cela c’est une nouvelle idée de la vie en commun. Il s’agit de concevoir autrement l’activité collective. La nécessité individuelle de « devoir gagner son pain à la sueur de son front », doit être abolie. Cette histoire de « réindustrialisation » et de « compétitivité » est à dormir debout, elle n’a aucun sens dans le contexte qui se dessine actuellement. C’est l’organisation même de la vie collective qui doit assurer à chacun ce qui lui est nécessaire pour vivre bien. Cela veut donc dire « abolition du salariat ». L’égalité devant les moyens  peut se faire avec quelques clics sur les serveurs centraux des grandes banques du pays, confisquées et mises au service du peuple. La condition du bourgeois n’est en rien désirable. L’argent inaccessible pour le grand nombre a créé l’envie malsaine de posséder. Chacun peut recevoir une « dotation inconditionnelle d’autonomie », pourvu qu’il ait le choix de se rendre solidaire avec ses frères et que l’argent soit aux marges car l’économie capitaliste doit elle aussi être abolie ou subvertie. Ce revenu comme dotation d’autonomie ne serait utile qu’au début du bouleversement sociétal à venir. Une fois la société nouvelle créée, ce revenu serait inutile et il faudrait même le faire disparaître à son tour pour éviter qu’il ne préserve l’idée même du capital. L’économie, telle qu’elle a été conçue jusqu’à présent, est essentiellement la science du contrôle des esclaves, la science de l’asservissement. C’est la raison pour laquelle son outil principal était la mesure dont la valeur marchande n’était que le moyen. Or, il faut mesurer pour contrôler, car le maître des esclaves doit se consacrer tout entier à la politique. L’économie qui organise la servitude est un mode d’organisation politique de la servitude. Abolir le capitalisme c’est donc abolir l’économie, la fin de la mesure, le chiffre totalitaire.

Si l’on peut vivre sans « devoir travailler », cela est considéré comme un désastre! Mais pour qui exactement? Pour les esclavagistes, pour les exploiteurs, pour les profiteurs, pour les mafieux, les pervers et les salauds… Les salariés devenus conscients qu’ils ont été sous la menace de la précarité en étant obligés de se vendre pour créer une richesse dont le bénéfice allait dans d’autres poches que les leurs, devraient ne pas hésiter à décider de vivre sans travailler. D’ailleurs le travail nécessaire disparaîtra de lui-même puisque la machine, le robot, la cybernétique remplace partout les travailleurs asservis. Au lieu d’être allongés sur les trottoirs en attendant de crever dans la rue, les travailleurs peuvent se détourner de ce monde du capitalisme sauvage et se réunir dans des communaux collaboratifs, et redécouvrir une vie commune solidaire, joyeuse, au centre de laquelle les relations humaines seront primordiales. Les voisins doivent devenir des collègues et des amis. La fin du « STO » du service du travail obligatoire, abattra la dictature de l’économie marchande et avec elle l’État, avec sa gouvernance représentative. L’État est en soi l’organisation centrale de la contrainte. En réalité l’espèce humaine n’a pas besoin d’État et l’expérience a déjà été faite de nombreuses fois dans l’histoire. La pire des choses qui puisse arriver à l’humanité esclavagisée c’est l’avènement de l’État. L’État n’est en rien nécessaire parce que l’homme est un sujet fabriqué en série par un type de gouvernance qui a imposé son anthropologie unique référentielle. Les imperfections de l’être humain s’estompent lorsqu’il se trouve dans la liberté avec tous ceux qui l’entourent, expérimentant de nouvelles formes d’existence dans lesquelles ce sont les vertus de chacun qui sont mises en avant et qui se complètent. La gouvernance représentative et son appareil d’État ne fait que maintenir le peuple à distance des décisions qui ne concernent que lui. Le peuple n’a qu’un seul ennemi mortel : l’État. La politique doit donc être transformée en un vaste champ d’expériences collectives dans lesquelles chacun aura sa part à donner, afin d’éviter que ne se forment des blocs frustrés de ne pouvoir faire entendre leur voix particulière et originale.

C’est aussi la raison actuelle pour laquelle, l’État mafieux détruit les communes, il fait une réforme des « communautés de communes » pour réaliser des « économies d’échelle », mais surtout pour briser leur autonomie en les plaçant sous le contrôle des métropoles plus importantes. Les volontés populaires doivent être réduites à néant. On casse volontairement la bonne échelle de la vie sociétale, au nom du capitalisme sauvage parasitaire financier au service de l’économie de marché qui ne profite qu’à un petit nombre vampirisant l’ensemble des forces vives de la Nation.

C’est pourtant à l’échelle des quartiers, des villages, des petites communes, échelle locale, que peut émerger une nouvelle façon collective de vivre, de mettre en commun des compétences, des besoins et les moyens de les satisfaire.

Le mouvement des « communaux collaboratifs » est une idée de coopérative intégrale dans laquelle s’organise non seulement les moyens de vivre, mais la vie elle-même tout entière! Les véritables rapports sociaux relèvent du domaine de l’amitié et de la convivialité, une bienveillance humaniste donnant sens. C’est là que se trouve l’issue, la voie, le chemin de la liberté et d’une nouvelle naissance de l’humanité. Avec le capitalisme sauvage parasitaire financier, il « n’y a jamais les capitaux » pour réaliser des projets, jamais de « crédits » pour faire ce qui aurait pourtant du sens. Si la peste du « profit » est éradiquée, chacun sera heureux de travailler dans le domaine qu’il aura librement choisi et sa vie prendra aussitôt un sens qu’il n’aurait jamais imaginé autrement: celui d’être là pour le bonheur de tous, celui de rendre la vie heureuse, celui du « bien vivre » en commun. 

C’est l’État avec sa logique, en soi totalitaire, qui a compromis toutes les expériences tentées dans l’histoire pour cette façon de vivre.

L’erreur c’est l’État et sa gouvernance représentative. L’État c’est la faille qui a réussi à s’imposer à l’humanité en lui faisant croire qu’il était indispensable, alors qu’il constitue exactement la cause première de tous ses problèmes, sa réalité étant le fondement même nécessaire à l’existence du capitalisme sauvage parasitaire financier destructeur de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

Des formes de vie nouvelles s’inventent dans les « communaux collaboratifs », dans les quartiers et les communes, et ce sont ces inventions qui seront mises concrètement en œuvre dans tous les secteurs, comme la santé, l’éducation, la recherche, l’agriculture, l’énergie, la défense naturelle contraire à l’utilisation offensive de l’armée par le néo colonialisme actuel allant faire chez les autres des guerres illégales et commettant au nom du peuple des crimes contre l’humanité, comme en Libye, ou en Syrie, ou au Yémen…

Le centralisme jacobin français a été imposé par la classe des bourgeois et la marque des Girondins s’est gravée elle aussi dans le fonctionnement de l’État en faveur d’un libéralisme qui donnait priorité au commerce des affaires.

L’Assemblée nationale représentative ne peut rien résoudre, pour la simple raison que les parlementaires ne connaissent pas les sujets qu’ils doivent traiter. De plus ils sont les otages des lobbies, sous la pression permanente d’intérêts contradictoires. Le fonctionnement d’une Assemblée parlementaire interdit tout débat réel: on y voit surtout une foire d’empoignes dans laquelle personne n’écoute personne et chacun blablate dans le vide d’une cacophonie pitoyable… Les commissions spéciales ont le don d’enterrer les sujets car ces mini-parlements servent aux députés pour faire valoir les idées et objectifs de leurs partis respectifs qui sont très loin du souci des intérêts du bien commun.

Nous avons évoqué l’exemple connu de Marinaleda en Espagne, qui depuis les années 70 démontre que tout ce que nous venons de dire n’est pas irréalisable ou utopique, mais bien au contraire. Marinaleda est la démonstration de la vérité de ce propos et peut servir d’exemple inspirateur pour une nouvelle manière d’envisager la vie possible à réaliser en France. A Marinaleda, le chômage n’existe pas, alors que le taux de chômage dans le reste de l’Espagne est aux environs de 30%. Marinaleda n’a pas besoin de police, car chacun a sa place et est reconnu pour sa valeur personnelle: la délinquance ne peut pas exister et la police est inutile. L’ensemble des habitants de la commune se réunit à la maison communale afin de participer aux assemblées qui prennent les décisions: chacun donne son avis et chacun est entendu, c’est la démocratie participative directe.

Après avoir dit cela, il est maintenant nécessaire d’évoquer un autre exemple tout aussi parlant et qui se trouve en France, celui du fameux village de Tarnac.

L’histoire de Marinaleda a été évidemment mouvementée à ses débuts, tout comme celle de Tarnac. Mais cela est un gage d’authenticité.

La communauté collaborative installée à Tarnac avait entrepris les travaux de rénovations des habitations abandonnées de Tarnac: une opération de maçonnerie à grande échelle. En même temps elle attaquait les travaux des champs, puis elle se retrouvait pour les interventions et la réflexion politiques. Cette expérience était nouvelle en France et démontrait son succès éblouissant, indiquant la voie dans laquelle l’avenir en commun se révélait. Mais cela était contraire à l’idéologie du fascisme ultra libéral de la gouvernance représentative et esclavagiste qui voyait cet exemple comme éminemment dangereux et la preuve évidente du mensonge de l’État de droit. Le Pouvoir totalitaire voulait donc mettre fin à cette expérience dangereuse pour son projet de dominant et de prédominant. Tarnac devenait le symbole de la « sécession », de la « dissidence », d’une autarcie absolument incompatible avec l’organisation du pillage systématique des « citoyens vaches à lait ». 

En novembre 2008, la ministre de l’Intérieur, Alliot-Marie, conseillée par Alain Bauer devenu l’éminence grise du débile Sarkozy (et cela en dit long sur la nature idéologique du pouvoir théocratique en France), décidait de mettre fin à cette expérience pourtant véridique, bonne, exemplaire, humaniste et profondément respectueuse de la vie… Un prétexte bidon, vite trouvé, allait permettre aux pit-bulls de la DCRI, fleuron de la criminalité légale de l’État français totalitaire, de débarquer à Tarnac avec hélicoptères, blindés, armés jusqu’au dents, pour arrêter tous les membres pacifiques de cette expérience de vie ayant redonné existence à ce village et à cette commune abandonnés.

Dans un arbitraire consternant, le « Pôle antiterroriste » était activé pour broyer un à un et une à une les membres de ce groupe de bienfaiteurs de l’humanité. Le groupe était martyrisé, déchiré, séparé, éclaté, par une pratique policière digne de la dictature française aux relents vichystes exécrables. Julien Coupat était détenu illégalement, mais grâce à la supercherie de « l’anti terrorisme », pendant six mois durant lesquels le juge Bruguière, très peu inspiré et digne représentant d’une pratique bornée de la justice à géométrie variable, se cassa les dents sur l’intelligence supérieure de Julien qui lui démontra la légitimité de cette communauté, le prétexte bidon de son arrestation ayant été vite démonté.

Tout citoyen, comme Julien Coupat, qui a fait de hautes études et qui se retrouve à la tête d’une communauté de jeunes désireux de vivre autrement que selon les critères du matérialisme capitaliste, ultra libéral, néo conservateur, à Tarnac en Corrèze, sera accusé publiquement de terrorisme! Tout citoyen ayant comme Coupat, des lectures dites « subversives », se verra attribuer, « à charge », cette « culpabilité »! 

Julien Coupat était innocent mais en prison depuis plusieurs mois, alors qu’il n’y avait aucune preuve contre lui: c’était la présomption de culpabilité. 

Un rassemblement à la sortie du métro Barbès avait été organisé au mois de janvier 2009 contre cette nouvelle affaire Dreyfus, pour la libération immédiate de julien Coupat innocent. A ce moment-là, 7 jeunes âgés d’une vingtaine d’années sortaient du métro. Mêlés au rassemblement, ils entendaient crier: « chopez-en dix ! » Ils étaient interpellés et traînés devant la justice. Maître Terrel soulignait à l’époque: « ils ne sont accusés de rien! Ni outrage, ni rébellion, ni violence! » Ils sont convoqués devant un juge pour « attroupement ». C’est le délit « d’attroupement » !!! C’est n’importe quoi, c’est délirant, c’est l’arbitraire d’un Pouvoir totalitaire qui ne reconnaît pas le moindre signe de démocratie. C’est la réalité de la France des droits de l’homme!

Jean-Claude Paye et Tülay Umay ont écrit un texte « L’affaire Tarnac, sous l’emprise de l’image »,  je voudrais redonner ici des extraits essentiels de ce texte, tellement est exemplaire cette histoire qui va interpeller aujourd’hui les GJ qui ne font que suivre la logique qui a été celle du groupe de Tarnac, quelques années avant eux. Ce texte est intéressant pour les GJ, car il permet de comprendre ce qui se passe dans la tête des pervers qui se sont emparés du pouvoir en France. Pour vaincre son ennemi, il est important de le connaître et de connaître ses tares.

« L’arrestation à grand spectacle d’un groupe de jeunes gens, par une cohorte de policiers encagoulés dans un village de la campagne limousine, sous l’accusation d’entreprise terroriste a ému le pays. Mais que signifie donc l’affichage de l’absence complète de preuves contre eux et néanmoins leur maintien en détention provisoire durant six mois? Et si l’État avait volontairement manifesté son pouvoir arbitraire pour marquer un changement de l’ordre juridique… »

« A travers cette affaire entièrement construite, le pouvoir a eu l’occasion d’objectiver son regard et de le mettre à la place du réel. Il a ainsi pu exhiber ses intentions concernant l’ensemble de la population. Il a mis en scène le non dit, ce qui ne peut être dit, mais seulement montré: la possibilité qu’il s’est octroyée de se saisir de tout citoyen qu’il désigne comme « terroriste » et de le mettre en détention selon son bon vouloir.

Les inculpés ont été instrumentalisés. Simple support, ils sont saisis en tant qu’images, en tant que forme qui réfléchit le regard du pouvoir. Ce dernier est à la fois le sujet de cette affaire, son organisateur et l’objet de celle-ci, son regard: ce qui doit être vu.

Dans cette affaire de Tarnac, le pouvoir ne dit rien des personnes arrêtées. Il montre tout de lui-même, de sa subjectivité, de sa volonté de toute puissance… »

« Les neuf jeunes gens accusés d’avoir dégradé les caténaires d’une ligne TGV sont toujours inculpés comme « membres d’une association de malfaiteurs à visée terroriste », bien qu’ils soient actuellement libérés et que l’accusation ait toujours affirmé ne pas détenir de preuves matérielles. Leur regard sur leur propre mode de vie, une existence qui se conçoit en dehors des circuits marchands, est, pour le Pouvoir judiciaire et la ministre de la Justice de l’époque, un élément qui peut se substituer aux faits! Leur volonté, de vivre en dehors de la société, révèle à coup sûr leur intentionnalité, celle de vouloir commettre des attentats afin de déstabiliser l’État. La perception des faits est suspendue et le regard que les prévenus portent sur eux-mêmes, comme incarnation de « l’ennemi intérieur », est convoqué. Ce regard devient l’objet du pouvoir qui désigne les prévenus comme coupables et les identifie comme terroristes… »

Les poursuites sont investies d’un sens avant que les éléments de l’enquête soient perçus. De simples dégradations sont qualifiées d’actes terroristes et les coupables sont désignés a priori. C’est exactement la même réalité judiciaire qui touche des milliers de GJ arbitrairement arrêtés et condamnés par un système judiciaire devenu collaborateur de la tyrannie.

En l’absence d’indices matériels, l’accusation s’appuie principalement sur le livre « L’insurrection qui vient », dont la rédaction est attribuée à Julien Coupat, considéré également comme le « chef » du groupe incriminé. Ce livre se réfère au sabotage comme moyen de paralyser la machine sociale. Il cite, comme exemple, le fait « de rendre inutilisable une ligne de TGV ». Les GJ seront condamnés à leur tour pour le simple fait de porter un gilet-jaune sur soi, ou un masque, ou d’être là dans la manifestation de rue: c’est suffisant pour être traité en délinquant du système…

« Cette phrase est exhibée comme la marque attestant que les auteurs du livre sont nécessairement ceux qui ont commis les sabotages de la voie ferrée. L’accusation considère qu’il y a une parfaite continuité entre écrire cette phrase et le fait d’avoir commis les dégradations de la ligne du TGV. »

« Les objets de l’extériorité, les faits, ne sont pas refoulés, ils sont déniés. Ils sont exhibés, mais ils n’existent plus en dehors du regard qui est porté sur eux. Ils se réduisent à de simples supports d’images. Celles-ci leur donnent leur signification. En inscrivant, « matériel d’escalade » pour désigner une échelle saisie, le parquet montre l’objet vu en tant qu’incarnation de l’intentionnalité terroriste, en tant que matériel destiné à faire des attentats. Le sens s’autonomise. Il devient son propre support, sa propre matérialité… »

Si le GJ porte un masque, c’est dans l’intention de commettre des dégradations et des violences!

Ce n’est plus le concret qui donne matière aux choses de l’extériorité, mais ce sont les images, ces abstractions qui donnent une valeur aux faits, qui créent un nouveau réel.

Ainsi, l’image s’oppose au langage. Au contraire du discours, auquel on peut opposer un autre discours, elle ne peut intégrer la contradiction, elle est englobante. Elle s’oppose à la raison et impose la foi. L’enjeu de cette affaire est bien de conforter l’adhésion, la fusion des populations avec le Pouvoir, elles qui pourraient se laisser tenter de rejoindre la dissidence.

Grâce à la subjectivation du droit pénal, les poursuites en matière de terrorisme ont pour base la formation d’une image destinée à diaboliser les inculpés. L’affaire Tarnac s’inscrit dans cette règle. Cependant, elle se spécifie par le caractère purement abstrait de l’image produite. Généralement, l’incrimination de terrorisme est construite à partir d’infractions réelles, telle, par exemple, la fabrication de faux papiers, un port d’arme prohibé… Ces éléments ne sont pas traités pour eux-mêmes, mais sont regardés dans le cadre de l’organisation terroriste qui leur donne un sens nouveau. Ici, nous sommes en présence d’une image autonome, libérée de tout lien matériel. La phrase d’un livre vendu en librairie attesterait de l’intention de son auteur présumé et devient l’incarnation d’un acte terroriste. « Une réversibilité est établie entre le mot et la chose. » Un Gilet-jaune qui écrit une phrase sur un réseau social appelant à la révolte, est traité de la même manière qu’un terroriste et il est condamné à de la prison avec amende…

« La question de l’invisibilité est récurrente dans l’affaire Tarnac. La signature du livre par un « Comité invisible » est un donné à voir. Elle n’a pas pour objet de dissimuler les auteurs. Pour eux, cet anonymat est la mise en avant d’un non-moi. Cette revendication est simultanément un déni du corps et un refus de s’opposer à l’invisibilité, au sens exhibé par le pouvoir à travers l’image. »

À travers celle-ci, il ne s’agit pas, pour le pouvoir, d’agir au niveau de la conscience, mais au niveau de l’inconscient. L’image lui permet de poser son regard, d’imposer un sens à travers ce qu’il montre. La visibilité exhibée par l’image est immédiatement installation d’une invisibilité. La cagoule portée par les policiers atteste de l’invisibilité de la menace terroriste et de la dangerosité des personnes interpellées. Un « matériel d’escalade », une échelle, ne peut être que l’indice matériel d’une intention de commettre un attentat. Ce que l’image montre ce n’est pas ce qui est, ce n’est pas l’objet, mais ce qui, à travers lui, est nommé, ce qui ne peut qu’être. La même logique est appliquée aux GJ : si je porte un gilet jaune, cela veut donc dire que j’ai l’intention de m’attaquer au Pouvoir qui est à l’intérieur des choses de ce monde et je suis donc coupable et condamnable…

Aucun membre du groupe de Tarnac n’a imposé un démenti aux assertions du Pouvoir les accusant des sabotages de la ligne TGV.

« En se posant dans l’invisibilité, les auteurs décident de ne pas se confronter au visible des images produites par le Pouvoir. Ils n’opposent pas un concret à ces abstractions. Ils ne dressent pas un corps qui leur permettrait de se séparer de l’image qui les englobe. Ils rejettent la fonction du corps qui est de rétablir une séparation entre l’intérieur et l’extérieur et de permettre le développement d’une conscience. »

Cette suspension du corps initiée par le Comité invisible facilite ainsi sa fixation dans l’image, dans le regard du Pouvoir. Se réclamer de l’invisibilité, c’est rester dans le sens, dans l’invisibilité produite par la machine d’État, c’est jouir de celle-ci.

« Seul ce qui est montré dans l’extériorité du visible est susceptible de faire l’objet d’une symbolisation. Il n’y a de symbolisation que de ce qui se voit. Le Comité invisible, tout comme Julien Coupat, en se plaçant dans l’invisibilité, ne peut développer une symbolisation alternative. Tous les deux restent dans le signifié du Pouvoir, construit à partir de ce qui est exhibé dans le visible. »

Si la société revendique sa soi-disant « démocratie », dans ce cas, elle doit logiquement tolérer la critique radicale, les dénonciations de l’État, les condamnations même du système de pouvoir, jugé tyrannique et oppresseur de la personne humaine.

Accuser un homme, un auteur, parce qu’il a écrit un livre de combat critique, justement pour la cause démocratique, le mettre en examen et l’écrouer sans autre motif que celui de sa liberté de pensée et d’expression de la pensée contre la tyrannie, relève de la pathologie du bouc émissaire et de la paranoïa d’un système qui s’avère débile en lui-même ainsi qu’à travers les personnes qui n’hésitent pas à l’incarner.

Le discours délirant sur les comportements dits « terroristes » relève de la manipulation exacerbée d’un Pouvoir qui sait être coupable d’une trahison démocratique permanente en se faisant le chien de garde de l’oppression.

Si le Pouvoir de la tyrannie ultra libérale et néo conservatrice veut des boucs émissaires, qui pourra empêcher que des « preuves accablantes » ne soient pas fabriquées de toute pièce par ce Pouvoir qui est, par essence, menteur et négateur des droits de l’Homme? Qui sera en mesure de contrôler l’accusation faite par ce pouvoir de tyrans?

Cette démonstration est bien la preuve que l’État est pervers, ordurier, criminel et le pire ennemi du peuple qui subit sa tyrannie arbitraire à longueur de temps. C’est cette organisation mafieuse que nous devons abattre, car elle n’est pas digne de l’humanité ni des droits de l’homme et du citoyen.

Les Gilets-jaunes ne supportent plus la vie qu’on les contraint à mener et qu’on leur a imposée grâce à la gouvernance représentative en les précipitant dans la survie d’une condition indigne de l’humain.

S’organiser c’est donc faire évoluer le groupe des Gilets-jaunes, comme les autres groupes dissidents du système, en constellations subversives grâce au jeu naturel des amitiés, des espoirs partagés, des luttes menées en commun, de proche en proche. Cette action de l’organisation construit des chemins ou des passerelles qui feront se communiquer entre eux tous ces groupes dissidents par affinité, de village en village, de quartier en quartier…

« La révolution qui vient n’aura pas d’avant-garde, seulement des agents de liaison qui travaillent à éveiller et faire circuler les devenirs révolutionnaires. » (Éric Hazan & Kamo, in « Premières mesures révolutionnaires », la Fabrique éditions, 2013, p.109)

Ce qui se passe sur les ronds-points, c’est cela qui a commencé déjà, dans le bonheur de l’amitié et de la convivialité. Des hommes et des femmes se sont retrouvés, ensemble, pour vivre quelque chose ensemble, en commun, pour réfléchir ensemble et penser l’après de leur existence qui vient. Ils sont soudés, imaginent un monde meilleur et refont la société qui correspond à leur aspiration réelle en profondeur, dans la liberté, l’égalité et la fraternité. C’est un mouvement unitaire qui ne veut pas entendre parler de « représentants », mais ils s’occupent des décisions qu’il faudrait prendre pour l’intérêt du bien commun: avec tous ceux qui travaillent dans le même sens, ils sauvent la France et font école pour les autres pays. 

Le samedi 27 avril, le pauvre Castaner dépassé par une question qu’il n’a pas les capacités intellectuelles d’analyser, disait encore « qu’il ne comprenait plus rien des revendications confuses de ce groupe de séditieux qui continuait à vouloir détruire la République et qu’il était désormais impératif d’arrêter un fois pour toutes! »

L’étape suivante du massacre commence donc à se profiler et avec elle celle de la guerre civile à cause d’imbéciles bornés comme celui qui occupe le poste de ministre de l’Intérieur grâce à l’illégitimité exceptionnelle de Macron…

Pourquoi 80% des Français devraient-ils la fermer, courber le front jusqu’à terre et se soumettre à une oligarchie qui les opprime? Pour quelle raison tout un peuple devrait-il être le serviteur inconditionnel d’une « élite » qui se croit tout permis et qui ne conçoit la vie que pour elle en imposant la survie au reste de ceux qui sont tolérés uniquement qu’en tant que serviteurs tout dévoués à la cause totalitaire de leur égocentrisme arrogant? Il n’y a aucune raison ni aucune justification à se laisser dresser et à se soumettre à une telle dictature de la gouvernance, dite « représentative », mais qui ne représente en réalité que la caste au Pouvoir.

L’avenir nous appartient. Nous sommes les seuls à pouvoir nous redonner notre liberté, notre souveraineté, notre autonomie, notre droit de vivre en harmonie avec les autres et la nature dans laquelle nous sommes immergés. Organisons-nous en décidant des initiatives à prendre sans rien attendre du Pouvoir totalitaire qui s’y opposera de toutes ses forces.

Lorsque la société toute entière se comporte comme un troupeau de moutons, qui suit le premier leader venu, sans la moindre réflexion critique, parce que ce leader, bien qu’insignifiant, a ouvert sa grande gueule entraînée au bluff et à la manipulation, tous ceux qui réfléchissent et qui pensent leur engagement se retrouvent minoritaires et comme démunis,  puisque le comportement du grand nombre l’emporte toujours sur un comportement individuel isolé, non normatif, jugé coupable face à la loi du nombre. L’isolement de ceux qui pensent et critiquent se transforme en accusation de « terrorisme » ou ce qui revient quasi au même de « complotisme »! C’est ainsi que tout Pouvoir a toujours été synonyme d’oppression et de répression, qui par nature est arbitraire.

Un pouvoir établi sur le bluff, le baratin, le mensonge de la manipulation médiatique n’a que faire des droits de l’Homme et du citoyen. En revanche, il ne peut être que friand de coups médiatiques, de propagandes et d’occasions d’argumenter son mensonge manipulatoire. Cette gourmandise quasi obsessionnelle ne peut résister à la nécessité du temps.

Ce pouvoir n’a pas le temps et donc, pas les moyens de contrôler vraiment les forces et les organisations révolutionnaires de l’opposition à son projet. La force de l’action révolutionnaire est, en revanche, permanente. Elle est donc perpétuelle, elle a l’éternité devant elle. Elle a le temps avec elle, quoi qu’il arrive. Les tyrans oppresseurs sont des dictateurs oppressés qui courent sans cesse d’une angoisse à une autre, de l’angoisse de la toute-puissance à celle de la castration possible permanente, de l’angoisse de la domination à celle de l’anéantissement. La révolution est tranquille, paisible, patiente et active parce qu’elle est permanente et en évolution continuelle pour la conscience de la libération de l’Homme.

Nul ne peut suspendre le vol du temps comme nul ne peut arrêter l’action révolutionnaire permanente. C’est elle qui a inévitablement raison. C’est elle qui possède le premier et le dernier mot sur l’Homme et sa destinée finale, qui n’est pas autre chose qu’une conscience supérieure en évolution permanente vers une surconscience, celle de la liberté intrinsèque de sa logique intime, celle de l’Amour qui est aux antipodes de l’oppression, du dressage à une condition de soumission.

Jean-Yves Jézéquel



Articles Par : Jean-Yves Jézéquel

A propos :

Jean-Yves Jézéquel, philosophe et psychanalyste, diplômé du troisième cycle en sciences humaines, est l’auteur d’une trentaine d’essais en philosophie, spiritualité, religion, psychologie. Il publie également depuis 2014, une série d’analyses sur les grandes questions actuelles de société.

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