États-Unis : La Fed au secours de Wall Street
Série : Les États au service des banques au prétexte du « Too big to fail » (partie 4)

La Fed octroie depuis 2008 un crédit illimité aux banques au taux officiel de 0,25 %. En réalité, elle a prêté aux banques plus de 16 000 milliards de dollars à un taux d’intérêt inférieur à ce taux officiel. Elle n’a pas respecté ses propres règles prudentielles et n’en a pas averti le Congrès.
La Fed (voir encadré sur la Fed) octroie depuis 2008 un crédit illimité aux banques au taux officiel de 0,25 %. En réalité, comme l’a révélé en juillet 2011 un rapport du GAO, équivalent de la Cour des Comptes aux États-Unis, la Fed a prêté 16 000 milliards de dollars à un taux d’intérêt inférieur au taux officiel de 0,25 % |1|. Le rapport démontre que la Fed n’a pas respecté ses propres règles prudentielles et qu’elle n’en a pas averti le Congrès. Selon les travaux d’une commission d’enquête du Congrès des États-Unis, la collusion entre la Fed et les grandes banques privées a été évidente : « Le PDG de JP Morgan Chase était membre de la Réserve fédérale de New York au moment où « sa » banque recevait une aide financière de la Fed s’élevant à 390 milliards de dollars. De plus, JP Morgan Chase a également servi d’intermédiaire pour les crédits d’urgence octroyés par la Fed. » |2|. Selon une étude indépendante de l’Institut Levy auquel collaborent des économistes comme Joseph Stiglitz, Paul Krugman et James K. Galbraith, les crédits de la Fed auraient atteint un montant plus élevé que celui révélé par le GAO, ce ne serait pas 16 000 milliards de dollars, mais 29 000 milliards de dollars |3|.
Les grandes banques européennes ont eu accès à ces prêts de la Fed jusqu’au début 2011 (Dexia a ainsi reçu en prêt 159 milliards de dollars |4| , Barclays 868 milliards, Royal Bank of Scotland 541 milliards, Deutsche Bank 354 milliards, UBS 287 milliards, Crédit Suisse 260 milliards, BNP-Paribas 175 milliards, Dresdner Bank 135 milliards, Société Générale 124 milliards). L’arrêt de ce financement (notamment sous la pression du Congrès américain) a constitué une des raisons pour lesquelles les money market funds états-uniens ont commencé eux-mêmes à fermer le robinet de leurs prêts aux banques européennes à partir de mai-juin 2011 car ils ont considéré que, sans l’appui de la FED, prêter aux banques européennes présentait trop de risque.
Eric Toussaint
Partie 5
Notes
|1| GAO, « Federal Reserve System, Opportunities Exist to Strengthen Policies and Processes for Managing Emergency Assistance », juillet 2011, http://www.gao.gov/assets/330/321506.pdf. Ce rapport, d’une institution qui est l’équivalent de la Cour des Comptes (GAO = United States Government Accountability Office), a été réalisé grâce à un amendement à la loi Dodd-Frank introduit par les sénateurs Ron Paul, Alan Grayson et Bernie Sanders en 2010. Bernie Sanders, sénateur indépendant, l’a rendu public http://www.sanders.senate.gov/imo/media/doc/GAO%20Fed%20Investigation.pdf
|2| « The CEO of JP Morgan Chase served on the New York Fed’s board of directors at the same time that his bank received more than $390 billion in financial assistance from the Fed. Moreover, JP Morgan Chase served as one of the clearing banks for the Fed’s emergency lending programs. » http://www.sanders.senate.gov/newsroom/news/?id=9e2a4ea8-6e73-4be2-a753-62060dcbb3c3
|3| Voir James Felkerson, « $29,000,000,000,000 : A Detailed Look at the Fed’s Bailout by Funding Facility and Recipient », www.levyinstitute.org/pubs/wp_698.pdf
|4| Voir notamment le rapport du GAO mentionné plus haut à la page 196 qui atteste les prêts à Dexia pour un montant de 53 milliards de dollars, ce qui représente seulement une partie des prêts dont a bénéficié Dexia de la part de la Fed. http://www.gao.gov/assets/330/321506.pdf
Éric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, préside le CADTM Belgique et est membre du conseil scientifique d’ATTAC France. Il est auteur des livres Bancocratie, Aden, 2014, http://cadtm.org/Bancocratie ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010.