Etats baltes et Pologne, plans de guerre secrets

OTAN. Neuf divisions prêtes contre la Russie


Missiles Patriot en Pologne
Source de la photo : Ria Novosti, http://fr.rian.ru/world/20100406/186403521.html

Les câblogrammes de l’ambassade états-unienne à l’OTAN à Bruxelles, filtrés à travers Wikileaks, ont un contenu explosif.  Ils révèlent, par des voix officielles, ce que nous écrivons depuis longtemps sur les raisons et les conséquences de l’élargissement de l’OTAN à l’est.

Le 20 janvier dernier, le Commandant suprême allié en Europe,  l’amiral états-unien James Stavridis, a proposé d’étendre le plan « Eagle Guardian », conçu pour la « défense » de la Pologne, aux trois républiques baltes d’Estonie, Lettonie et Lituanie, qui faisaient autrefois partie de l’URSS. Le Comité miliaire de l’OTAN a approuvé la proposition le 22 janvier « sous procédure de silence ». Ont ainsi été choisies 9 divisions -états-uniennes, britanniques, allemandes et polonaises- pour se préparer à des « opérations de combat en cas d’agression armée ». On ne spécifie pas de la part de qui,  mais la référence à la Russie est évidente. Les premières manœuvres se dérouleront l’an prochain en Baltique où ont déjà été choisis les ports polonais et allemands qui accueilleront les navires de guerre et les forces de débarquement états-uniens et britanniques. En même temps, les USA se sont offerts pour « renforcer la sécurité polonaise » contre la Russie, en déployant des forces navales spéciales dans les ports baltiques de Gdansk et Gdynia, et des escadrilles de chasseurs-bombardiers F-16 dans les bases aéronautiques polonaises.

Ce plan, spécifie-t-on dans les câblogrammes, a été fortement voulu par l’Allemagne et bien accueilli par les gouvernements de Pologne et des républiques baltes : le gouvernement estonien, informé le 16 décembre 2009, l’a défini comme « un cadeau de Noël anticipé ». On souligne que l’extension du plan « Eagle Guardian » constitue le premier pas de l’extension d’autres plans spécifiques, concernant des pays individuels, en plans régionaux pour faire face à « toute la gamme de menaces possibles ». Ici aussi, la référence à la Russie est évidente.

Pour le rendre plus clair encore, l’ambassade états-unienne à Varsovie précise dans un câblogramme que le « bouclier » anti-missiles USA/OTAN, finalisé pour affronter des attaques potentielles de l’Iran ou de la Syrie, peut être adapté pour « neutraliser des missiles provenant d’autres pays ». En attendant, à partir de mai, les USA ont commencé à disposer, par un système de rotation, des missiles Patriot à Morag, dans les environs de l’enclave russe de Kaliningrad entre la Pologne et la Lituanie. En confirmation de cette nécessité, l’ambassade états-unienne à Varsovie souligne que le gouvernement polonais piaffe d’impatience d’avoir sur son propre territoire les missiles états-uniens du « bouclier », insistant pour qu’ils soient intégrés dans le système polonais de défense anti-aérienne. Elle cite à ce propos le conseiller présidentiel Waszczykowski s’adressant à des diplomates états-uniens, en leur disant « combien de temps vous faut-il pour comprendre que rien ne changera avec l’Iran et la Russie ? » : c’est-à-dire qu’à un moment ou à un autre une action militaire sera nécessaire non seulement contre l’Iran mais aussi contre la Russie « qui est en train de tenter de reconquérir sa sphère d’influence ».

Le ministère des affaires étrangères russe a déclaré hier être « déconcerté » par les révélations, lesquelles montrent que l’OTAN a rédigé des plans secrets pour défendre l’Europe orientale d’une agression militaire russe. Il rappelle ainsi que le mois dernier, au Conseil OTAN-Russie à Lisbonne, a été adoptée une déclaration où l’on affirme que la sécurité des pays de l’OTAN et celle de la Russie sont interconnectées et que les pays membres du Conseil s’abstiendront de tout usage ou menace d’usage de la force dans leurs relations réciproques. A ce point, on peut s’attendre à ce que les réactions de Moscou – n’ignorant certes pas les préparatifs de guerre- ne soient pas que verbales. Après le Sommet OTAN  de Lisbonne, le président Dmitri Medvedev avait déclaré, le 30 novembre : « Ou nous atteignons un accord sur la défense anti-missiles et créons un mécanisme conjoint de coopération, ou commencera une nouvelle course aux armements ». En l’absence de coopération, la Russie est prête à déployer « de nouveaux moyens d’attaque ».

Escarmouches diplomatiques ? Pour certains. Il ne s’agit cependant pas que de batailles diplomatiques. La nouvelle course aux armements ne commencera pas, comme dit Medvedev : elle a déjà commencé. De chaque côté on met au point de nouvelles stratégies, même en Europe.  Dans ce cadre, les révélations sur les câblogrammes de l’ambassade états-unienne à Bruxelles et à Varsovie peuvent servir soit à révéler des plans de guerre dans l’intention de les arrêter, soit une accélération de la tension : en minant tout processus de détente en Europe, on crée de nouvelles tensions propres à justifier le renforcement de la présence militaire états-unienne en Europe ; avec, en particulier, la nécessité que les Etats-Unis couvrent leurs alliés européens de leur propre « bouclier » balistique. 

Pour comprendre où les puissances sont en train de conduire le monde nous n’avons pas besoin d’autres révélations de Wikileaks. Il suffit de savoir qu’on dépense plus de 3 millions de dollars à la minute en armes, armées et guerres.

Il manifesto, 8 décembre 2010

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste, ex-directeur exécutif pour l'Italie de l'International Physicians for the prevention of Nuclear War, association qui a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1985. Porte-parole du Comitato no Guerra no Nato (Italie) et chercheur associé de Global Research (Canada). Prix international de journalisme 2019 pour Analyse géostratégique du Club de Periodistas de México.

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