Depuis le début des opérations du Commandement des États-Unis pour l’Afrique en 2008, le nombre de militaires étatsuniens sur le continent africain a fait un bond de 170 %, passant de 2600 à 7000. Le nombre de missions, d’activités, de programmes et d’exercices militaires a augmenté de 1 900 %, passant de 172 à 3 500. Les frappes de drones ont explosé et le nombre de commandos déployés a augmenté de façon exponentielle, de même que la taille et la portée de la constellation des bases de l’Africom.
L’Africom « perturbe et neutralise les menaces transnationales » afin de « promouvoir la sécurité, la stabilité et la prospérité régionales », conformément à sa mission. Mais depuis la création de l’Africom, les principaux indicateurs de sécurité et de stabilité en Afrique se sont effondrés, selon le Centre africain d’études stratégiques du ministère de la Défense, une institution de recherche du Pentagone. « Dans l’ensemble, l’activité des groupes islamistes militants en Afrique a doublé depuis 2012 « , selon une analyse récente du Centre africain.
Il y a maintenant environ 24 » groupes islamistes militants actifs » qui opèrent sur le continent, contre seulement cinq en 2010, selon l’analyse. Aujourd’hui, 13 pays africains font face à des attaques de ces groupes – une augmentation de 160 pour cent sur la même période. En fait, le nombre d’ » événements violents » sur le continent a bondi de 960 %, passant de 288 en 2009 à 3 050 en 2018, selon l’analyse du Centre africain.
Bien que divers facteurs aient probablement contribué à l’augmentation de la violence, certains experts affirment que le chevauchement entre l’existence du commandement et les troubles croissants n’est pas une coïncidence.
« La forte augmentation des incidents terroristes en Afrique souligne le fait que l’approche trop militarisée du Pentagone face à ce problème a été un échec lamentable « , a déclaré William Hartung, directeur du projet Armes et sécurité au Centre pour la politique internationale. « Au contraire, tenter d’éradiquer le terrorisme par la force risque d’exacerber le problème, de provoquer une réaction terroriste et de servir d’outil de recrutement pour les groupes extrémistes.
Une Somalienne marche dans un camp pour personnes déplacées le 18 décembre 2018, alors que des centaines de personnes fuyaient le sud de la Somalie pendant que les États-Unis effectuaient des frappes aériennes contre les Shebab. Photo : Mohamed Abdiwahab/AFP/Getty Images
Prenons l’exemple de la Somalie. Au cours de la dernière décennie, l’Africom y a mené des centaines de frappes aériennes et de missions de commando et revendique un comptage d’environ 800 terroristes ennemis tués, principalement des membres du groupe des Shebab, un groupe militant. Le nombre d’attaques aériennes étatsuniennes a grimpé en flèche ces derniers temps, passant de 14 sous le président Barack Obama en 2016 à 47 sous le gouvernement Trump l’an dernier. Pourtant, la propre analyse du Pentagone a révélé que les épisodes violents impliquant les Shebab représentaient environ 50 pour cent de toutes les activités des groupes islamistes militants en Afrique et que ce « taux est resté constant au cours de la dernière décennie ».
En octobre 2017, des membres de l’État islamique dans le Grand Sahara, ou ISGS, ont tendu une embuscade aux troupes étatsuniennes près de la frontière des États sahéliens du Mali et du Niger, tuant quatre soldats étatsuniens et en blessant deux autres. Juste après l’attaque, l’Africom a affirmé que les troupes fournissaient » des conseils et une assistance » aux partenaires locaux, mais il a été révélé par la suite que les commandos étatsuniens opérant aux côtés d’une force nigériane avaient – jusqu’à l’intervention du mauvais temps – espéré se joindre à un autre contingent d’opérateurs spéciaux étatsuniens cherchant à tuer ou capturer Doundoun Cheffou.
En dépit de ces efforts et de plusieurs autres efforts militaires étatsuniens de longue date dans la région, les groupes militants au Sahel sont devenus plus actifs et leurs attaques plus fréquentes, selon le Centre africain d’analyse du ministère de la défense US. En fait, les » épisodes violents » liés aux groupes associés à Al-Qaïda au Maghreb islamique, ou AQMI, et à l’ISGS sont passés de 192 en 2017 à 464 l’an dernier. Parallèlement, le nombre de décès liés à ces groupes a plus que doublé, passant de 529 à 1 112.
Ceci est particulièrement significatif à la lumière d’un rapport de 2000 préparé sous les auspices de l’Institut d’études stratégiques du Collège de guerre de l’armée étatsunienne, qui a examiné l’ »environnement sécuritaire africain ». Tout en notant l’existence de « mouvements séparatistes ou rebelles internes » dans les « États faibles », ainsi que de milices et d’ »armées de seigneurs de guerre », elle ne mentionne ni l’extrémisme islamique ni les grandes menaces terroristes transnationales. Aujourd’hui, le Centre africain compte 24 « groupes islamistes militants actifs » sur le continent, alors que d’autres chiffres officiels ont, ces dernières années, chiffré près de 50 organisations terroristes et « groupes illicites » de toutes sortes.
Ni le Pentagone ni l’Africom n’ont répondu aux questions de The Intercept sur l’analyse du Centre d’analyse africaine du ministère de la défense étatsunien notamment sur l’efficacité du commandement et le rôle qu’il a pu jouer dans la montée de la violence sur le continent.
Article originel : Violence Has Spiked in Africa Since the Military Founded AFRICOM, Pentagon Study Finds
Photo en vedette : Un convoi de véhicules blindés de l’Africom se rendant au complexe des Forces de défense populaires de l’Ouganda situé à Mogadiscio, en Somalie, le 25 septembre 2017. Photo : Tech. Sergent Andria Allmond / Garde nationale aérienne étatsunienne
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