Algérie, le scénario sourire

À l’exception d’un obscur blogueur, nul n’avait perçu dans les foules algériennes joyeuses de mars 2019, la promesse d’une nation prospère et apaisée. On se souvient qu’à l’époque, tous redoutaient qu’une guerre des casernes confisque la révolution du sourire et plonge le pays dans un bain de sang. Aujourd’hui encore, d’aucuns se demandent, par quel miracle les officiers à prébendes que l’on surnommait du nom du trafic dont ils avaient le monopole : général yaourt, général banane, général frigo….ont abandonné leurs vareuses à étoiles et leurs commerces douteux pour consacrer leur retraite au bénévolat généreux. Comment, en si peu de temps, le pays a t-il pu se relever de l’indescriptible chaos provoqué par les mafias d’État.

À l’aube du printemps 2024, l’Algérie offre maintenant le spectacle étonnant d’une ruche bourdonnante où l’enthousiasme révolutionnaire des premiers jours n’a pas faibli. Alger la joyeuse ripolinée, bariolée de drapeaux et de calicots est radieuse. Dans les rues et les jardins la foule affairée se délecte de son bonheur nouveau. La province aussi est heureuse, elle a retrouvé sa vocation agricole, exporte ses surplus et étale sa prospérité. Le miracle algérien inespéré s’est produit. Le monde entier est médusé. En moins de cinq ans, avec la même détermination qui l’avait jadis conduit à se libérer de la colonisation, le peuple algérien s’est levé pour prendre en main son destin. Fort de l’expérience de son petit frère tunisien, il ne s’est pas contenté de dégager gentiment les anciens, il a renversé la table des convenances politiques et créé un modèle de gouvernance unique en son genre qui produit des effets dont nul n’avait rêvé.

L’Algérie, Al Djezair, les îles en arabe est désormais le cœur d’un archipel en pleine expansion. La création tant espérée d’un espace commun de libre d’échange avec la Tunisie et la Libye puis avec le Maroc et la Mauritanie a provoqué une dynamique dans toute la Méditerranée et au delà du Sahara. L’élargissement de l’antique Berbérie aux pays du Sahel et la proclamation d’une nation Nord Africaine paraît inéluctable, déjà, son influence sur l’ensemble du continent africain est sans égale. Ses succès diplomatiques au Proche Orient ont boulversé la donne internationale au point que le conseil de sécurité envisage de lui attribuer un siège. Enfin, les récentes visites à Alger des Présidents russe, américain et surtout du Chef de l’État chinois qui a inauguré l’itinéraire bis de la route de la soie pour contourner la vieille Europe sinistrée, confirme l’entrée de l’Algérie dans le club des grands.

En France, les conséquences conjuguées de la révolution algérienne de 2019 et de la défaillance en chaine d’une centrale nucléaire en 2020 ont provoqué un exode massif de la population vers l’Afrique du Nord devenue subitement une terre d’asile économique et écologique. On estime à sept millions le nombre d’habitants qui ont quitté la France pour rejoindre les côtes d’Afrique. À Paris, le nouveau gouvernement national-progressiste peine à contenir le sauve-qui-peut général. Une campagne de communication inspirée par l’Élysée stigmatise les « fuyards » , un député de la majorité a proposé de « dresser un mur de mesures dissuasives » consistant à retirer la nationalité française aux « déserteurs », à limiter les déménagements aux seuls effets personnels, à interdire le voyage des enfants mineurs… Ces menaces sont sans effets.

L’Île-de-France a perdu le quart de sa population. Trappe et Aubervilliers sont en friche, Montreuil est désert. À Paris on ne trouve plus de boulangers, de garagistes, d’épiciers, de médecins hospitaliers… En province, des centaines d’entreprises sont au chômage technique, les chantiers sont arrêtés, les récoltes dans le midi sont abandonnées. Pendant ce temps, à Tunis, Alger, Rabat, les pieds blancs sont accueillis à bras ouverts car le travail ne manque pas. Nombre de Français de souche tentent de les suivre, mais il n’est pas facile d’obtenir un permis de séjour sans prouver ses origines africaines. Les migrants tentent le passage déguisés en touristes. Hélas, tout comme les véliplanchistes et les navigateurs clandestins, ils sont impitoyablement refoulés vers Gibraltar et Lampedusa.

Hedy Belhassine



Articles Par : Hedy Belhassine

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